[Un certain regard] Une Vie à l’Etroit : premier film au regard fuyant.

La matinée commence dans la détente dans la salle Debussy ; Frémeaux se pointe à la bourre, prétextant d’avoir trop chanté mexicain toute la nuit avec Cuaron et Del Toro. Qu’il se la pète, l’équipe de Cinématraque a bien mangé des nems à côté de Mads Mikelsen et volé sa canette de coca, donc on peut rivaliser hein !

Puis soudain, l’équipe du film russe Une Vie à l’Etroit est arrivée, et la détente s’est tirée une balle. La sélection un Certain Regard présente donc un premier film, qui selon son jeune réalisateur Kantemir Balagov n’a pas besoin d’être introduit, puisque les images parlent d’elle-même. Bon, admettons. Voyons ce qu’il en est : voici une jolie famille juive en Russie. La fille est fun et dévergondée, le fils lui montre sa bite mais c’est apparemment un moment mignon, puis il se fait enlever par des antisémites tchétchènes qui demandent une rançon bien trop élevée, et tout le monde perd la boule.

Enfin, surtout la fille ; c’est elle l’héroïne de ce film ultra sombre, ultra triste, ultra russe. Elle ouvre le bal dans la première scène avec son père, discutant mécanique et bagnole ; à la fois cool et élégante, il paraît que clair que Julien Lada n’a aucun secret pour elle. Heu non, pardon, elle parle des voitures Lada, pas de notre super critique Cinématraque. Malgré le poids déjà étouffant des codes familiaux et de la religion, on la voit s’épanouir dans le garage, avec son frère (et j’insiste, y a quand même VRAIMENT un espèce de vernis incestueux hyper étrange), et avec son copain qu’elle voit en cachette, parce qu’il ne fait pas partie de la communauté juive.

Une heure après, tout a changé. Si les effets de l’enlèvement sont déjà spectaculaires sur les parents, la transformation physique de la fille fait froid dans le dos… Jusqu’à un cri du corps, déchirant, qui lui dérobe la voix.

C’est donc un film pas franchement joyeux joyeux. En fait, c’est même plutôt triste triste ! Pourtant, le film n’en est pas si émouvant car trop souvent maladroit dans son exécution. Certains passages, pensés pour choquer, sont à la fois ratés, clichés et mal venus. D’autres, très réussis dans l’idée, sont parasités par une difficulté de compréhension dans l’intrigue. J’en reviens ici à ce que disait le réalisateur avant la projection : non, son film ne parle pas de lui-même… En fait, il aurait été bon d’avoir un peu de contexte. Cela me fait un peu mal d’admettre mon ignorance, mais tout ce qui tourne autour de la Tchétchénie – l’action se passe en 1998 -, de la Russie, et des Juifs, ne saute pas aux yeux tout de suite dans le contexte de l’œuvre filmique. Et à perdre du temps à essayer de se souvenir de ses cours d’école des Chartes, on en oublie de se concentrer sur l’émotion.

Et c’est dommage, car certains éléments sont plutôt réussis. Le cadrage est aussi élégant qu’étouffant, les comédiens.nes sont tous irréprochables et parfois même excellents, le montage bien pensé… Mais on peine à voir l’intention. Pourquoi cette famille ? Pourquoi parler d’amour, puis de mariage arrangé, puis des coutumes de la communauté juive, du poids et du rôle de la mère, de sexe, des conflits ethniques en Russie, pour au final n’aller (presque) uniquement vers le choc, le trauma ? Ce n’est pas rare d’avoir trop de choses à dire sur un premier film, de partir un peu dans tous les sens ; ici, c’est peut-être un peu le cas. Heureusement, le film se trouve une respiration, un second souffle dans ses derniers instants. Lors d’un pique-nique organisé, enfin, la mère esquisse un sourire et tout semble possible. Mais ce moment, s’il satisfait une partie des pistes explorées, laisse toutes les autres en cours de route. La sélection Un Certain Regard 2017 continue donc de nous laisser sur notre faim…

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