Vers la lumière: by Kookaï

On l’avait découvert lors de notre premier festival de de Cannes, en 2003, avec le magnétique Shara. On était encore étudiants, nos accreds festival en poche, on avait déjà compris que le Festival était d’abord un lieu de fête, de drague et de gueule de bois. On avait beaucoup plus de chance de rentrer en soirée, croiser Zhang Ziyi, que de voir un film dans le Grand Théatre Lumière. Alors bon, évidemment, n’importe quel film vu à Cannes impressionnait. Ce fut le cas avec Shara, première percée cannoise de la cinéaste japonaise Naomi Kawase. Du reste, encore aujourd’hui, on se souvient avec une certaine émotion de la façon dont elle filmait les corps, l’énergie qui se dégageait de la séquence principale, celle de la fête traditionnelle de Basara. Depuis, on est accrédités presse, on monte les marches en tongs, no respect et on enfile les films de Kawase comme des colliers de pâtes. Si l’on peut éprouver un certain respect pour Thierry Frémaux lorsqu’il programme, en mode YOLO, un film de Takashi Miike en compétition juste par amour pour le cinéaste, on a un peu plus de mal à le suivre quant il s’acharne à montrer les jolis petits films de Kawase.

Certes les bases théoriques de Vers la lumière s’inscrivent bien dans un état d’esprit palpable depuis les débuts du festival : mettre en avant le cinéma, l’amour et l’amour du cinéma. En s’intéressant à la rencontre entre un ex photographe à succès perdant progressivement la vue et une traductrice d’audiodescription, permettant aux malvoyants de profiter de l’art cinématographique, Naomi Kawase impose une question de cinéma pertinente. Et s’il on pressentait chez elle une attirance pour le cinéma d’Antonioni, la problématique de la disparition dans Vers la Lumière nous persuade qu’il s’agit là plus d’un clin d’oeil. Le souci, c’est que si l’on pense fortement au vieux cinéaste italien, qui est connu pour avoir tourné son dernier film totalement aveugle, on ne peut être qu’énervé par la paresse filmique de la réalisatrice. Il ne suffit pas d’être une compositrice formelle douée, et filmer les larmes de la babydoll Ayame Misaki (connue pour ses films plus grands publics) pour approcher la perfection cinématographique du créateur de la Noce, il faut que les fondations théoriques du film reposent sur autre chose qu’une idée gadget et convenue. Le manque de sincérité de l’ensemble transforme le tout en une de ces longues pubs de luxe que les exploitants nous imposent l’été avant chaque blockbuster, où la maestria visuelle et la philosophie easy listening font office de mini-court métrage à la gloire des marques de luxe. Sauf qu’ici c’est plus du Kookaï que du Dior.

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