L’amant d’un jour : Aux frontières du Garrel

Chouette, Philippe Garrel est de retour à Cannes. Alors voyons, à quoi pourrait-on s’attendre de lui ? Un film sur des triangles amoureux ?

Qui se passe dans le Paris bohème ?

Dans des apparts remplis de bibliothèques ?

Avec des vieux beaux qui tombent des post-ados toutes plus belles les unes que les autres ?

Et où les femmes sont toujours malheureuses à cause des hommes ?

En sept minutes montre en main, L’amant d’un jour coche la grande majorité des cases du « bingo Garrel ». Jusqu’à l’écoeurement sans doute. A-t-on encore la patience en 2017 de suivre l’histoire de ce professeur de lettres quinqua qui semble attirer à lui par son simple charme de poète lettré les plus belles jeunes femmes à qui il enseigne ? Faut-il encore se montrer magnanime envers une énième resucée du complexe d’Électre comme un roman d’Éric Reinhardt ? Est-il encore possible de s’attacher à des personnages féminins dont la vie ne semble déterminée que par la bite qui les fait jouir ?

Sur le papier, le cinéma de Philippe Garrel semble bloqué dans une vision des femmes sortie des années 70, et qui ferait s’étrangler d’horreur Alison Bechdel aujourd’hui. L’épuisement thématique de ces marivaudages provoque rapidement une forme d’épuisement visuel, un désintérêt profond face à ces intrigues d’un autre temps, fossilisés sous un ton libertaire. On a l’impression de se retrouver dans le même appartement, d’arpenter les mêmes rues que L’ombre des femmes, qui avait fait l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs il y a deux ans. Et très vite, la sensation de redite prend le pas sur celle de la variation thématique, au risque de nous laisser sur le pas de la porte face à une intrigue terriblement prévisible.

Sans retour, effacer notre amour

Faut-il cependant éconduire L’amant d’un jour d’un bloc, d’un vulgaire swipe vers la gauche ? Non sans doute pas. Car si on ne nous enlèvera pas de la tête qu’on a l’impression de voir Garrel répéter ici la moitié de ses dix derniers films, on doît reconnaître que la récitation se fait non sans une certaine verve. Cela passe principalement comme d’habitude par sa fascination stendhalienne (nervalienne aussi) envers les actrices qu’il filme. Actrice parmi lesquelles on retrouve cette fois-ci une certaine Esther Garrel, fille de et sœur de (il faut approximativement 24 secondes de présence à l’écran pour capter le lien de parenté), qui s’offre un baptême du feu familial réussi, capable d’insuffler une vie à un personnage qui semble en manquer cruellement. La remarque est aussi valable pour sa partenaire à l’écran, la débutante Louise Chevillotte, excellente. Face à elles, Éric Caravaca fait le taf,

Le noir et blanc est toujours aussi beau et bien pensé, tout comme les cadrages. La patine formelle est là, toujours aussi robuste et élégante. Le verbe est toujours bien pesé et laisse même parfois poindre quelques sourires. Le cinéma de Philippe Garrel tend à se faire de plus en plus stéréotypé au fil des années, toujours est-il que ce qu’il fait, il le fait mieux que n’importe lequel de ses contemporains. Il est tel un cru millésimé qui, s’il reste agréable en bouche, n’étonne plus vraiment au fil des cuvées.

On n’attend pas de Philippe Garrel qu’il effectue une révolution copernicienne de son cinéma, et à vrai dire ce n’est même pas vraiment ça que l’on attend de sa part aujourd’hui. En revanche, on peut se demander si un jour, son petit théâtre du jeu de l’amour et du hasard accueillera un ou deux nouveaux personnages.

L’amant d’un jour de Philippe Garrel avec Éric Caravaca, Esther Garrel, Louise Chevillotte…, 1h19

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