Un train pour Busan de Yeon Sang-Ho

La séance de minuit à Cannes c’est un peu comme le goûter en rentrant du boulot. C’est la récompense du festivalier assidu qui, après avoir fait acte de contrition en allant studieusement voir tous les films roumains de plus de trois heures, a le droit d’abaisser ses exigences avec une petite douceur. La programmation de cette tranche horaire souvent hétéroclite est composée de films de genre ou de films qu’on a pas réussi à caser ailleurs parce que trop déroutants, pas assez profonds ou trop grand publics. Conséquence, le spectateur gravit les marches le cœur léger, prêt à se laisser totalement aller.

Yeon Sang-Ho a parfaitement comblé les attentes de la salle, qui n’était que rire, cris et applaudissements. Et pourtant, rien de bien folichon sur le papier. Un train pour Busan raconte l’histoire d’un père un peu nul en voyage avec sa fille dans un train Séoul – Busan, qui va se révéler au contact d’une attaque de zombies. Ces lignes de synopsis sont tout ce qu’il y a de plus classique pour un film d’action qui veut ajouter un peu de fond via l’intime à moindre frais (de 28 semaines plus tard à la Guerre des mondes). On avait aussi déjà vu le motif du train comme espace fermé où l’horreur se cloître et voyage dans le Transperceneige, autre film coréen.

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Mais le film ne suit pas les traces de ses dramatiques modèles et choisit d’être du côté de l’humour. Le tandem père-fille est vite rejoint par une galerie de personnages secondaires, tous introduits avec quelques vannes qui nous les rendent tout de suite sympathiques. La mise en scène, quant à elle, ajoute un côté jouissif au film. Le traitement de l’action est très graphique, on sent l’influence de l’animation, le médium habituel de Yeon Sang-Ho. Les zombies sont une masse informe mais ultra dynamique, se déplaçant toujours vers l’avant en lignes droites, à la manière de celles que l’on dessine pour suggérer la vitesse dans les manga. Finalement, s’il fallait chercher des modèles, on serait plus proche du fun de la séquence du marteau d’Old Boy que de la dureté du Transperceneige.

Pour autant, Un train pour Busan n’est pas une énième action comedy. D’une part, parce que le film assume son premier degré. Certes on rit beaucoup, mais le réalisateur parvient à distiller une certaine émotion face à la détresse des personnages ayant gagnés nos cœurs. Dans ces scènes plus tristes, pas de demi-mesure mais là aussi des codes grandiloquents qui n’ont rien à envier aux mangas et dont le kitsch peut également évoquer certains dramas coréens. Pas sûr que tout le monde y soit sensible, mais la générosité émotionnelle y est. D’autre part, parce que Yeon Sang-Ho, dont les premiers films (The Fake ou King of Pigs) évoquaient des problématiques sociales dans un univers emplit de noirceur, profite du genre survival pour peindre le genre humain et pas sous son meilleur jour. Dans le train, lorsque la menace vient du zombie, elle n’est pas insurmontable. Ceux là, même s’ils sont rapides, ont de gros points faibles, permettant de s’en sortir avec un peu d’imagination. Par contre, l’enfer c’est les autres et les vraies galères viendront de l’égoïsme et de la haine des autres humains, incapables de s’associer pour rester en vie. Cette impossibilité à travailler en équipe s’avérera la grande tragédie du film. Ici et comme tant d’autres films, la figure du zombie n’est qu’un prétexte pour parler de la société.

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Malgré certains défauts (quelques répétitions et lourdeurs, beaucoup trop de scènes hors du train qui font baisser le sentiment d’étouffement), Un train pour Busan est un bon film de zombies qui remplit son rôle de divertissement agréable, tendu et pas sans fond. On est néanmoins très loin des autres film de Yeon Sang-Ho, plus expérimentaux, peut-être aussi plus adultes. Est-ce le genre zombiesque qui est la cause de ce changement d’ambiance ? Pour répondre à cette question il faudra encore attendre un peu. Un train pour Busan est en effet la suite « live » de Seoul Station, pas encore sorti en France mais sélectionné cette année au festival d’Annecy. La comparaison serait d’autant plus nécessaire pour comprendre si c’est le genre qui a appelé ce changement artistique, ou si c’est le médium qui est en cause. On serait alors face à un renversement des valeurs (ou des a-priori) où l’animation serait plus noir et adulte que la prise de vue directe, rendant la filmographie de Yeon Sang-Ho particulièrement intéressante. Réponse le 13 juin à Annecy !


Gaël Sophie Dzibz Julien Margaux David Jérémy Mehdi
 [usr 3.5]

Le tableau des étoiles complet de la sélection à ce lien


2

Un film de Yeon Sang-Ho, avec Gong Yoo, Jung Yu-Mi et Don Lee.

Sortie dans l’été en Corée du Sud

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