Captain Fantastic, de Matt Ross

Quel monde nos parents nous ont laissé, et pour les jeunes parents quel monde va t’on laisser à nos enfants. C’est l’interrogation qui traverse insidieusement une grande part des films qui se sont retrouvé sur la croisette cette année. Captain Fantastic n’échappe pas à la règle, même s’il affirme sans détour qu’il vaut mieux en rire. A ceux qui suivent la série Silicon Valley, Captain Fantastic ne devrait pas vous dépayser. A la tête de la petite troupe d’acteurs, se cache derrière la caméra: Matt Ross, le Gavin Belson, Patron de Hooly, parodie fictionnelle de Google. Le discours corrosif de la série visant les nerds de la Silicon Valley, ces nouveaux héros du capitalisme triomphant, se retrouve appliqué à la mode survivaliste. Il y a deux ans, avec Les Combattants, Cannes découvrait cette philosophie de vie dystopique rejetant à la fois l’état et les multinationales. Un style de vie imposant le refus du progrès des nouvelles technologies et supposant l’approche d’une fin de la société de consommation voire carrément l’avènement du chaos. Au contraire des mouvements hippies ou des idéologies libertaires héritées de Henri David Thoreau, le survivalisme estime qu’il n’y a rien a attendre des autres et qu’il faut se battre pour survivre. Pour justifier cet individualisme radical, les survivalistes n’hésitent pas à reposer leur paranoïa sur des bases intellectuelles fourretout, ici présenté par une idéologie superficielle de la pensée de l’universitaire anarchiste Noam Chomsky. Captain Fantastic est l’histoire de ce père de famille qui, avec sa femme, a décidé de retirer leurs enfants de la société de consommation. Le suicide de la jeune femme va pousser Ben (Viggo Mortensen) à sortir de la forêt pour rendre hommage à l’amour de sa vie et à s’opposer à son beau père, richissime propriétaire d’un terrain de Golf.

L’obsession du père et sa volonté de fer d’élever ses enfants seul, les poussant à s’éduquer d’eux même ou à prouver leur force rappelle le très gênant film de Cédric Kahn, Vie Sauvage. Cependant au contraire du cinéaste français, Matt Ross va tout au long du film dégoupiller la volonté de puissance de Ben jusqu’à le rendre totalement impuissant. Là est toute l’intelligence de Matt Ross qui, tout en peignant un portrait humaniste de son charismatique personnage principal, va progressivement se ranger du côté des légitimes interrogations de sa progéniture. Une bande de gamins débrouillards, ultra cultivés, mais incapables de faire face à leurs semblables élevé sous l’autel de la société du spectacle. La petite bande qui incarne les enfants est véritablement l’âme du film, et certain auront une carrière couronné bientôt de succès. Ils finiront ici par contester la figure paternelle qui en les extrayant de la société les a transformé en bête de foire. C’est d’ailleurs comme un singe savant que Ben utilisera sa benjamine pour démontrer que l’éducation qu’il a donné a ses enfants est bien plus efficace que celle de l’état. Cette scène qui confronte le manque de curiosité de la jeunesse américaine fasciné par la société de consommation à l’érudition de la famille de Ben fait figure de manifeste au film de Matt Ross. Si le cinéaste se moque gentiment des ambitions survivaliste de Ben, il ne se montre pas tendre pour autant avec la belle famille, propriétaire d’un terrain de golf et représentant tout ce que le capitalisme peut présenter de pire: la religion est ici le socle familiale, jusqu’à trahir les volontés de la défunte. Les jeunes cousins sont attirés par la violence des jeux vidéo, les téléphones portables et le sport et se montrent particulièrement incultes. Difficile alors pour ces clones d’Huckleberry Finn d’être fascinés par le monde que leur propose leurs grands parents. Seul les réponses positives des plus grandes facs américaines auront grâce aux yeux du plus grand. C’est au détour d’une scène ou Ben comprend que sa propre femme cherchait à réinsérer leur ainé en envoyant des dossiers pour lui assurer un avenir en faculté. Un point de non retour, qui sera amplifié suite à l’accident de la plus grande de ses filles. C’est peut être d’ailleurs ce qui est le point faible de ce film sympathique, son relatif formatage. Un défaut assez mineur, Ross ne prétendant au final que divertir et y arrive sans se forcer. On retiendra, pour notre part, le dernier plan du film où la famille se retrouve sédentarisé dans un jardin de banlieue, vivant dans leur van aménagé en appartement de la middle class. Alors que les enfants se prépare à rejoindre l’école, Ben, le regard ailleurs se retrouve seul. Un plan plus pessimiste qu’il en a l’air.

 


Gaël Sophie Dzibz Julien Margaux David Jérémy Mehdi
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Captain Fantastic de Matt Ross, avec Viggo Mortensen, George McKay, Nicholas Hamilton, Shree Crooks, Charlie Shotwell, Kathryn Han, Samantha Isler, Annalise Basso

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