[L’image de l’année] Spring Breakers, « jouer au hold-up »

S’il fallait garder de 2013 une image, un plan, un photogramme : les rédacteurs de Cinématraque se prêtent à l’exercice.

Découpée par les vitres de la voiture et les fenêtres du diner, la scène se déroule à la manière d’un petit comic strip. Succession d’images sans parole reliées par la course lente d’un vieux pick-up, la séquence se déploie sans heurt, le dispositif (travelling) apparaissant comme l’antithèse parfaite du propos qu’il enregistre. Enserrée dans des espaces délimités qui se superposent dans le plan (le diner vu à travers les vitres de la voiture), l’action semble circonscrite à la scène, mise à distance de la réalité, elle est une parenthèse dont les conséquences ne sauraient avoir un quelconque retentissement dans la « vraie vie ». « Imagine qu’on est dans un jeu vidéo » assène une des filles à ses copines pour se donner du courage avant le passage à l’acte, traduisant la confusion profonde et irrémédiable entre fantasme et réalité.

Convaincues de feindre leur braquage sous prétexte qu’elles menacent leurs otages avec des pistolets à eau, les comparses n’auront que joué « au hold up » et le spectateur confortablement assis dans l’habitacle baigné par la lumière bleutée des néons, prévenu de la supercherie, esquissera un léger sourire. Cette mauvaise blague trouvera son contrepoint d’abord dans sa représentation, lorsque les deux braqueuses rejoueront la scène à leurs amies dans une transposition glaçante. Puis quand le spectateur la découvrira depuis le diner cette fois-ci, révélant son insoutenable réalité comme si, à l’instar des héroïnes, elle lui avait échappée.

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