Prince of Texas : La pelle de la forêt

Découvert en France lors de la sortie de George Washington et surtout L’Autre Rive (2004), David Gordon Green est ici un cinéaste maudit – auteur de 8 films, dont seuls les moins réussis trouvent aujourd’hui le chemin des salles hexagonales. D’une façon un peu incompréhensible, bien qu’il excelle dans le mélodrame, ce sont ses comédies joyeusement lourdingues qui ont les faveurs des distributeurs. Pour autant, n’allez pas croire qu’à l’instar des franchises American Pie, celles-ci monopolisent les écrans français, bien au contraire. Car son association improbable avec la team Apatow, si elle lui a permis d’obtenir aux USA des succès au box office, pénalise en revanche l’auteur d’All The Real Girls au pays du bon goût. D’une certaine manière, la nouvelle comédie américaine a autant de mal à se faire une place en salle que le cinéma de Philippe Grandrieux.

Un univers témoignant d’un véritable amour des classes populaires

le cinéma de David Gordon Green s’inscrit dans une recherche formelle proposant un autre regard sur le cinéma du grand sud états-unien

Prince Avalanche, primé à Berlin et à Paris Cinéma, pourrait bien réparer cet affront. Il ne s’agit pas, pourtant, d’un mélodrame mais, une fois encore, d’une comédie. A la vue du film, ce qui frappe, c’est l’alchimie enfin trouvée entre la rigueur et la poésie romantique de ses mélodrames et le sens du burlesque que le cinéaste a acquis en travaillant avec Apatow, nouveau nabab de la comédie US. En réalité, Prince of Texas se situe dans la lignée de la série télévisée Eastbound & Down, dont Gordon Green lui-même partage avec l’interprète principal, le comique Danny McBride, la figure de showrunner. Ici, le cinéaste retrouve une nouvelle fois McBride, avec qui il construit, depuis une dizaine d’années, un univers dédié à l’Amérique profonde, celle, souvent moquée, du fin fond du Texas. Un univers témoignant d’un véritable amour des classes populaires, et du choix de mettre en avant la beauté des sentiments, de révéler la grâce de moments simples, plutôt que d’opter pour la chronique sociale. Plus discret que celui de Jeff Nichols, moins expérimental que celui du groupe informel travaillant au sein de Borderline Films (Afterschool ; Martha, Marcy, May, Marlene ; Two Gates of Sleep), le cinéma de David Gordon Green s’inscrit dans une recherche formelle proposant un autre regard sur le cinéma du grand sud états-unien. Prince of Texas est ainsi son film le plus radical, en ce qu’il y est question d’une rencontre entre deux prolétaires cherchant à apprivoiser leurs sentiments au beau milieu d’une immense forêt calcinée, et dont ils doivent retracer la route. A l’image de cette longue trace de peinture jaune qu’ils doivent peindre, le récit n’est qu’une ligne droite, entrecoupée de moments poétiques ou surréalistes, ou de digressions évoquant leurs différents échecs sentimentaux. Jamais, jusqu’à présent, David Gordon Green n’avait approché un tel degré d’épure.

un tel cinéaste (…) doit être défendu avec vigueur

la diversité culturelle est sur toutes les lèvres

On se dit alors qu’un tel cinéaste, généreux dans son univers autant que dans ses méthodes de travail, capable de se remettre en question, n’hésitant pas à se renouveler, doit être défendu avec vigueur par les critiques et les cinéphiles, à plus forte raison dans un pays tel que le nôtre, où la défense de la diversité culturelle est sur toutes les lèvres.

Prince of Texas, David Gordon Green, avec Paul Rudd, Émile Hirsch, Gina Grande, États-Unis, 1h34.

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