Grigris, de Mahamat Saleh Haroun – Compétition officielle

Électrisante, telle est la première scène de Grigris, le nouveau film de Mahamat Saleh Haroun. Rythmes entraînants, lumières criardes, on est immédiatement plongé au cœur d’un spectacle jubilatoire, celui d’un corps qui se contorsionne avec une énergie débordante, pourtant pas prédestiné à de telles activités. En effet, Grigris, c’est le surnom de ce garçon qui danse, souffre d’un handicap à la jambe dont semble-t-il, il a décidé de faire abstraction. Le jeune homme, pour sauver son père adoptif, s’engage dans un réseau de contrebande d’essence, mais les choses tournent mal…

Mahamat Saleh Haroun offre au spectateur un héros d’un genre inconnu, désirant non pas être comme les autres, mais pouvoir faire comme eux ; nuance de taille. La puissance de son caractère réside dans son aplomb, convaincu que comme ceux à qui il ne ressemble pas tout à fait, il peut voler, danser, aimer. Et même aimer celle que tous les hommes convoitent, Mimi, une jeune prostituée. Une telle insolence semble déplaire à certains, en premier lieu le chef des contrebandiers, qui tout en faisant mine de le protéger voue à Grigris un mépris sans borne. Mais l’innocence de Mimi et Grigris aura raison de ceux qui les traquent. Mahamat Saleh Haroun livre un récit vierge de tout cynisme et de second degré, laissant place au sentiment nu, à la sensation pure. Ici la parole est secondaire, presque absente, l’espace dégagé est alors investi par un corps hors du commun, que la caméra épouse et contemple. Le réalisateur s’attache parallèlement, comme pour doubler son thème principal, à montrer un corps social, qui s’agrège autour des deux amoureux venus chercher un abri dans le village natal de Mimi. Communauté qui trouve sa puissance dans la multitude d’individualités qui le composent et qui protègent Grigris de ses agresseurs. La scène du lynchage du malfrat, à la fois acte héroïque immédiatement frappé du sceau de la honte est un témoin de l’authenticité dont est nourri le film du début à la fin. Seul bémol, l’interprétation d’Anaïs Monory dans le rôle de Mimi semble manquer de relief et de sincérité face à un Souleymane Démé envoûtant qui dit silencieusement, dans les mouvements qui l’animent, son amour inconditionnel de la vie.

Grigris, de Mahamat Saleh Haroun, avec Souleymane Démé, Anaïs Monory, Cyril Guei, Tchad, 1h41.

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