Savages, la mini-mini série d’Oliver Stone

Et si le format série était devenu l’idéal inconscient du cinéaste hollywoodien moderne ? Ils sont nombreux, en tout cas, à se laisser tenter par le prestige d’une ligne « HBO » ajoutée à leur CV, de Martin Scorsese (Boardwalk Empire, dont il est le producteur, et le réalisateur de plusieurs épisodes), à Todd Haynes (réalisateur des 5 épisodes de la mini-série Mildred Pierce).

Adapté d’un roman de Don Winslow, qu’on devine épais, le nouveau Oliver Stone semble lui aussi lorgner ostensiblement vers ce format : introduit par une voix off catastrophique, le film engrange tout d’abord une certaine frustration en survolant les scènes à fort potentiel (ménage à trois, récolte du cannabis, organisation de la distribution), avant de trouver son rythme de croisière, une fois les enjeux bien mis en place. La multiplication de personnages secondaires savoureux, le recoupement des différentes lignes narratives, l’abondance de thématiques d’actualité (la situation pénale du cannabis en Californie, l’utilisation de la violence systématique dans le mode de fonctionnement des cartels mexicains, mais aussi le retour au pays des soldats et l’idéalisme d’une certaine jeunesse occidentale), tout cela aurait constitué un terreau fertile pour une série pas forcément originale (la plupart de ces thèmes ont déjà été évoqués, de Weeds à Breaking Bad en passant par Homeland), mais à tout le moins addictive : imaginons un instant le père Stone à la production pour le compte de HBO ou AMC, et le tandem Susanna White – Simon Cellan Jones (Generation Kill) à la réalisation… On en saliverait d’avance.

En l’état, Savages se résume souvent à un thriller efficace mais trop calibré, qui ne prend pas le temps de traiter ses sujets en profondeur (surprenant de la part d’Oliver « conférencier » Stone), qui bâcle sa fin comme il avait expédié son début, et qui souffre d’un décalage trop manifeste entre deux générations d’acteurs : les plus que parfaits Del Toro, Hayek et Travolta écrasent de tout leur poids les fragiles et trop lisses Kitsch, Lively et Taylor-Johnson. L’ensemble est sans doute plus excitant que les derniers films du cinéaste, mais pas vraiment au niveau de ce qu’aurait donné le projet sous un autre format.

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3 thoughts on “Savages, la mini-mini série d’Oliver Stone

  1. Bonjour Dom: tu as peut-être raison. Ceci dit, l’originalité n’est pas forcément la qualité majeure d’une bonne série, mais bien plutôt la qualité de son écriture et le traitement du/des sujets principaux. De ce point de vue, je n’imaginerais pas les scenaristes du film s’atteler à l’écriture de ma série imaginaire!
    Quant à Del Toro et Hayek, je les ai trouvés nickel, dans le registre outrancier que réclamait le style du film.

  2. Je suis pas certain que « Savages » aurait gagné à s’étaler dans un autre format : y a un manque d’originalité lourd en plus du manque de profondeur que tu soulignes, et le découpage en épisode n’aurait probablement pas amélioré ces points. Quant à Del Toro et Hayek, je les ai trouvé infectes comme jamais – et je suis un grand admirateur du père Benicio.
    Vivement le prochain Stone.

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