Tu la connais celle du Letton qui décide de te faire comprendre que t’es un gros branleur ? Et que si tu voulais vraiment accomplir quelque chose de ta vie tu pourrais ? Et ouais, pendant que tu faisais la grasse matinée devant des dessins animés sur Netflix en éclatant ton 3ème calendrier de l’avent, ou pire : pendant que tu faisais la grève, un type de Lettonie né en 1994 a réalisé un long-métrage d’animation.
J’insiste. Gints Zilbalodis, de son nom complet, a réalisé un film complet tout seul. Cela veut dire qu’à la fin de son histoire, dans le générique y a juste son nom. Pas besoin de savoir à quel point l’animation est un processus complexe pour mesurer l’absurdité de l’exploit… Si vous avez l’habitude d’aller voir des dessins animés au cinéma (ou film d’animation, pour parler comme les élitistes), vous avez déjà remarqué que les génériques de fin sont très long. Parce que ça demande un sacré paquet de gens ! Et un temps considérable !
Mais peu importe, nique la logique ; si t’as pas d’amis prend un curly ? Ça c’est un slogan pour les LOSERS, Gints il s’en fout le mec il te fait un film tout seul et personne ne peut l’en empêcher… Et le pire dans tout ça, le PIRE, c’est que son film est bien.
Away raconte l’histoire d’un jeune homme qui se retrouve coincé sur une île déserte, suite à un probable crash d’avion. Je dis probable car rien n’est toujours explicité à 100% dans ce film de 1h15 qui ne comporte pas la moindre parole. Sur cet île, le jeune homme se retrouve poursuivi par une immense forme noire, peu définie et à la menace sourde. Je ne sais pas si cela veut dire grand chose une menace sourde mais dans ma tête c’est une image très claire. Le héros va aussi faire la rencontre d’un petit oiseau jaune qui ne sait pas encore voler, et devenir son ami de galère. Le but ? Survivre.
Le tout est raconté dans une animation 3D mais plate, où les reliefs sont gommés au maximum pour laisser paraître les couleurs. L’animation des personnages est quelque peu rustre, en revanche le cadre (le réalisateur est sûrement très bon storyboarder) est toujours magnifique. Il rend tout à fait la mesure d’un monde immense et inconnu, contrasté par la présence du héros. Du sublime burkéen, en somme, dirait-on si l’on voulait péter plus haut que notre cul.
Le film a beaucoup été comparé à un jeu vidéo ; cela se comprend du fait de son graphisme très simpliste, sans traits, bref grossier mais au sens neutre du terme. Qui plus est, l’aspect quête de survie correspond bien à une dynamique dont la simplicité évoque celle du monde du ludisme vidéo. Mais on a plutôt l’impression de regarder une œuvre métaphorique sur la condition humaine : le film est si austère qu’on se prend à tout interpréter, à voir des symboles partout… Ce géant noir, représente-t-il la dépression ? La culpabilité ? La fin de l’innocence ? Est-ce une simple quête pour la survie, où une aventure existentielle ? Qu’est-ce que c’est que cette tortue ? Et cette ribambelle de chats noirs ? Je sais qu’on ne dit pas une ribambelle pour des chats, mais soyons honnêtes ; on devrait.
Je n’ai pas de réponses. Je sais simplement que Away sait nous séduire, et que l’on s’en réjouit.
Away, de Gints Zilbalodis, diffusé en festival en 2019 au Forum des images et à Annecy.
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