Maya (Tara Basro) et Dini (Marissa Anita) sont deux employées de péage sur l’autoroute en Indonésie. Alors qu’elles tuent la monotonie de leur longue nuit de travail en discutant prostitution et taille de pénis, Maya remarque un type qu’elle a déjà vu avant et se dit que c’est peut-être un pervers qui lui veut du mal. Une opinion confirmée lorsqu’il l’attaque sauvagement avec une machette ! Mais voilà qu’il lui parle – tout en essayant de la buter – de ses parents qu’elle n’a pas connu et d’un village touché par une malédiction…
Joko Anwar n’est clairement pas un cinéaste facile à comprendre. Après le succès de son remake de Satan’s Slaves et un film de super-héros l’an dernier, son nouveau long-métrage surprend parce qu’on n’arrive jamais vraiment à saisir sur quel pied on danse. Vu de loin, une histoire de village isolé touché par une malédiction où les enfants naissent tous sans peau sur le corps, c’est clairement du film d’horreur classique. Le lieu, propice à convoquer les imaginaires inquiétants des cultes et croyances locales et le thème de la fertilité, les femmes confrontées – et même souvent, réduites – à leur maternité mutilée et impossible, ne sont que des éléments qui nous inscrivent dans le genre.
Pour autant, Impediwar est aussi construit comme un thriller et un mystère. Dans sa structure narrative déjà, mais surtout dans son esthétique. Si on voulait utiliser des phrases bateau du cinéphile débutant, on pourrait parler de « film de chef op », mais comme on se respecte un peu on ira plus loin. Anwar cherche clairement le cadre parfait et compose ses plans avec attention en installant toujours les personnages au centre de l’image, dans un style qui ne semble pas propice au film d’horreur moderne. Il n’utilise donc pas sa caméra pour manipuler le spectateur mais pour mettre en scène une tension, une inquiétude permanente… Il prend son temps. Il installe. Laissant des indices pour le spectateur pour le guider vers les révélations et les secrets les mieux gardés du village. En cela on semble plus proche d’une production RKO période Tourneur/Lewton que du cinéma contemporain : à mi-chemin entre horreur et suspense.
C’est là que ça se complique, puisque les thématiques horreurs désamorcées par le cadre du thriller, se voient également dynamitées par un humour omniprésent. C’est évident dès la première scène mais persiste sous d’autres formes durant le film ; par le geste, la farce, l’exagération. Par le contraste marqué entre l’attitude citadine des deux héroïnes et le village reculé. La barrière de la langue ici nous empêche de mettre le doigt exactement sur ce qui donne précisément cette atmosphère insolite au film, mais les réactions du public lors de la projection à l’Etrange Festival montrent bien qu’il y a quelque chose de drôle dans le royaume d’Indonésie.
Ce qui fait qu’au final, on ne sait pas absolument pas où donner de la tête. En partie parce que chaque élément n’est pas forcément maîtrisé. La partie mystère notamment manque cruellement de subtilité surtout dans sa conclusion. Le cinéaste nous balade ici et là, prenant le risque de perdre du monde en route, pour nous amener vers une expérience relativement unique, pas forcément tout à fait réussie mais pas déplaisante ; en bref, un film bien à sa place à l’Etrange.
Un aparté sur son actrice principale si vous lisez ses mots : en se renseignant sur Tara Basro, on apprend qu’après avoir posté une photo d’elle en sous-vêtements sur Instagram, montrant son ventre et ses formes sont filtre, elle a été attaquée et menacée par un ministre de son gouvernement. En effet le politicien affirme qu’elle promeut ainsi une imagerie pornographique et va pervertir les enfants du pays. Tara Basro est même en danger face à la loi puisque la législation anti-pornographie est extrêmement sévère dans le pays. Comme quoi nous voyons bien qu’il n’y a pas que chez nous et aux USA que les Tartuffe ne se sentent plus pisser…
Impetigore, un film de Jaka Anwar, diffusé à l’étrange festival 2020, date de sortie inconnue.