Vincent Paronnaud a commencé par se faire connaître dans la bande-dessinée, comme sa camarade Marjane Satrapi. C’est d’ailleurs avec elle qu’il est passé au cinéma, co-réalisant Persepolis et Poulet aux Prunes. Le voici désormais sur le territoire du slasher ; dans une version extrêmement pessimiste, noire et sanglante. Hunted, qui veut dire chassée en anglais, raconte la mésaventure d’une femme qui est poursuivie par deux hommes dont l’existence semble vouer à faire souffrir, tuer, mutiler.
Tout commence dans un bar. Eve se fait emmerder par un type qui refuse de comprendre que non veut dire non, jusqu’à ce qu’un autre homme vienne la sortir de ce pétrin. Ils sympathisent. Seulement comme on l’a vu lors du prologue, narrée par une mère survivaliste dans la forêt à son fils, tous les hommes sont des merdes ; le type est un sale psychopathe totalement déglingué. Eve tente de lui échapper et la course poursuite finit par s’installer dans une noire forêt…
Du slasher somme toute assez classique jusque là. Et le long métrage de Paronnaud aurait de quoi vraiment séduire s’il n’était pas boursouflé de dialogues risibles qui viennent parasiter l’image. Le film a été produit en Belgique en anglais, et il y a un vrai souci langagier dans les répliques – que l’on retrouve souvent dans les films de francophones qui se lancent sur Shakespeare. On en fait trop, et on dessert. C’est notamment un vrai problème pour la caractérisation du psychopathe, car ses actions mêlés à ses mots jurent totalement, au point de nous sortir du film constamment. Dommage car souvent le visuel dans Hunted convoque une imagerie inspirée et évoque des thématiques riches, là où les dialogues viennent contredire toute la portée philosophique du film.
Cette dimension sensorielle, quasi ésotérique du long métrage, est posée dès l’introduction, lorsque la femme de la forêt raconte une histoire qui évoquera aux fans de japanimation Princesse Mononoke : des loups sylvestres qui protègent une jeune femme menacée par la violence des hommes. Vincent Paronnaud exploite ainsi les côtés les plus sanglants et terribles du patriarcat pour créer une fable essentialiste et philosophique où la nature est associée à la femme (Eve n’est jamais un nom choisi au hasard), et va donc protéger son incarnation charnelle de l’envahisseur masculin. Le final a lieu dans un lotissement tout neuf construit aux abords de la forêt, montrant ainsi la nature se révolter face à la présence de l’homme… Le tout peut également se lire comme une fable, puisque poser une femme en manteau rouge pourchassée par un homme dans une forêt n’est jamais anodin.
Des thématiques donc plutôt intéressantes (sauf si vous êtes sociologue, puisque le film parle de ce qui est « naturel » et ce qui ne l’est pas), malheureusement desservi dans l’exécution scénaristique.
Hunted, de Vincent Paronnaud. Diffusé à l’étrange festival 2020.