C’est sur un héritage de cinquante ans que s’installe ce long métrage d’animation de Xavier Giacometti ; tout le monde en France, en Belgique et évidemment en Suisse, connaît Yakari. Même sans avoir lu ses aventures écrites par Job et dessinée par Derib, on connaît son nom et son apparence.
Le jeune Sioux qui a la capacité de parler aux animaux a vu ses aventures publiées dans le Journal de Tintin, et ses bandes dessinées se vendent encore énormément dans le monde entier. Après deux séries d’animations (une en 1983 et une en 2005, dirigée par le même Xavier Giacometti), le passage au long-métrage était une évidence.
C’est donc au festival d’Annecy que Yakari la grande aventure se dévoile, avant une sortie en salles le 12 août de cette année. Et plutôt que d’adapter une histoire déjà écrite (et il y en a beaucoup !!), la production Dargaud et Giacometti ont décidé de s’inspirer librement des débuts de la bande dessinée pour inventer une origin story au gentil petit Sioux. Ainsi le long métrage met en scène tous les personnages que les enfants ont su apprécier durant ces dernières décennies : dans ce film, Yakari fait la rencontre de son cheval, Petit Tonnerre, et obtient son pouvoir qui lui permet de parler avec les animaux.
Ce sont justement les enfants qui sont visés par ce film ; comme dans les adaptations précédentes, c’est ce public qui est attendu et cela se voit aisément. Pour autant, le scénario n’est pas toujours bien équilibré, il y a quelques soucis de rythme, mais le tout transpire la volonté de respecter l’oeuvre. Cela passe notamment par une animation plutôt atypique qui mêle décors 2D et personnages animés en 3D mais avec un rendu 2D pour se rapprocher du style de la BD au plus près.
Ce respect de l’oeuvre originale fait finalement écho au thème principal du long métrage : le respect. Oui, c’est tautologique mais je n’y peux rien, c’est bel et bien ça le thème. Dans le monde de Yakari, il n’y a pas d’armes, pas de violence ; c’est une version encore plus soft de Doctor Who en cela. Le héros revendique un attachement à la nature et au respect de la vie qui en fait un modèle inspirant pour les enfants, loin des représentations plus communes héritées de certains western.
Car dans Yakari, l’homme blanc, le colon n’est pas encore arrivé en « Amérique ». Les Sioux du film vivent en « Dakota du Sud » mais en vérité cet Etat n’existe pas en tant que tel au moment de l’histoire. En cela il se différencie des autres bandes dessinées célèbres en Europe qui mettent en scène des natifs ; nous ne sommes ni dans Lucky Luke, ni dans Les Tuniques Bleues.
Ici, on nous présente une civilisation idyllique, proche de la nature et non souillée par toute conception de la violence. Les seuls ennemis dans le film sont une autre tribu qui ont pour désir de s’emparer des animaux, d’en faire leur propriété donc. Ce qui va à l’encontre des valeurs naturalistes prônées par Yakari.
La fascination européenne pour les peuples lointains (depuis le point de vue euro centré) et civilisations supposément sauvages ne date pas d’hier ; le « bon sauvage » tel que l’ont décrit les penseurs des Lumières a servi à essentialiser des cultures autres, et les montrer comme plus pures que les nôtres. L’intention est bien sûr louable, même si dans toute essentialisation naît une négation de la véritable culture.
Les auteurs de la BD et du film ont fait énormément de recherches pour être le plus véritable possible sur la représentation des Sioux bien sûr, mais il n’empêche que cette vision romanesque et romancée, bien que nettement supérieure à celle des « indiens et les cowboys » que l’on voit encore trop souvent, reste une manière de fantasmer l’amérindien. Maintenant, si ce fantasme peut faire comprendre à nos enfants que la propriété c’est le vol, et qu’il faudrait démanteler les grosses industries agroalimentaires pour sauver la planète, franchement, on ne va pas se plaindre. Yakari, c’est joli, et c’est fort sympathique.
Yakari la Grande Aventure, un film de Xavier Giacometti. En salles le 12 août.
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