Pour beaucoup de cinéphiles biberonnés au cinéma américain Disney qui ont été jeunes dans les années 90, Rafiki, cela rappelle de vieux souvenirs : On imagine tout de suite ce vieux mandrill, vaguement chaman, qui faisait office de Jiminy Cricket dans le Roi Lion. On a grandi et l’on s’est un peu renseigné depuis, Rafiki désigne l’ami.e en langues swahilies et si c’est effectivement l’histoire d’une belle amitié que nous conte la jeune réalisatrice Wanuri Kahiu, c’est surtout l’utilisation du terme par la communauté LGBT auquel la cinéaste fait ici allusion. Au Kenya comme, encore, dans un peu trop de pays dans le monde, il est toujours mal vu d’afficher son homosexualité et c’est pourquoi il est beaucoup plus question dans les repas de famille de Rafiki que d’amoureux et d’amoureuses. Si en France, l’égalité des droits du mariage pour toutes et tous a entraîné une levée de boucliers nauséabonde, et qu’il y a encore trop souvent des cas de lynchage de personnes LGBT, la situation est bien plus tendue en Afrique de l’Est. C’est cet état des lieux que cherche à retranscrire la cinéaste kenyane.
Kena est une jeune fille, qui passe son temps à faire la fête et à trainer dans les rues pour faire du skate, en pleine campagne électorale elle fait la connaissance de Ziki qui se trouve être la fille de l’adversaire du père de Kena. Elles vont se lier d’amitié, et confier leurs sentiments l’une à l’autre.
La première chose qui frappe le spectateur, c’est l’atmosphère de fête qui se dégage de Rafiki, sa bande-son très moderne et l’attention toute particulière prêtée à la direction artistique et aux costumes en particulier. On est peu surpris d’apprendre que Wanuri Kahiu a terminé ses études aux USA, tellement l’afrofuturisme semble imprégner tout le film. Le résultat est tout à la fois épatant, donnant un visage inattendu du Kenya, et un peu déstabilisant. L’image y est tellement travaillée que le film n’arrive pas tout à fait à créer son identité propre. C’est beau, entraînant, mais un peu too much.
C’est bien dommage, car l’ensemble tient bien la route et la réalisatrice ne cherche pas à grossir le trait, il s’agit bien avant tout de la naissance d’un amour et des difficultés que cela peut provoquer. Si Rafiki a été interdit au Kenya, Wanuri Kahiu ne dresse pas de son pays un portrait violemment homophobe, et met en avant des figures, parfois politiques, qui tente de faire évoluer les mentalités. En inscrivant son film dans un mouvement africain plus global (elle ne cache pas l’influence de Zanele Muholi, Mickalene Thoma et Wangechi Mutu), Kahiu, pose sa pierre, de façon assurée, à un édifice en toute modestie: le combat pour les droits des LGBT a encore pas mal d’obstacles qui se lèvent en Afrique de l’Est.
Rafiki, de Wanuri Kahiu avec Samantha Mugatsia, Sheila Munyiva, Jimmi Gathu, Nin Wacera, Dennis Musyoka, Patricia Amira, Neville Misati.
https://www.youtube.com/watch?v=Yxul8q2eRzA