Le cinéma et la boxe, c’est une longue histoire d’amour. Avoir Raging Bull, Rocky ou Million Dollar Baby comme illustres prédécesseurs est un fardeau particulièrement lourd à porter, notamment pour un premier film. Heureusement, Samuel Jouy a l’intelligente idée avec Sparring de faire un pas de côté, et on sait à quel point le jeu de jambes est important dans ce sport. (en réalité, j’en ai aucune idée j’ai jamais fait de boxe de ma vie, mais ça me permet de bien finir mon intro).
En effet, dans Sparring, ce ne sont pas les gloires de la boxe qui sont filmées, mais leurs compagnons d’infortune, qui à défaut de marquer des points sont marqués par les poings : les sparring-partners. Ces boxeurs de seconde zone servent à entraîner les foudres de guerre de la profession qui s’échauffent et testent leurs meilleures techniques sur les pauvres punching-ball humains. Et on comprend tout de suite le potentiel de s’intéresser à ces partenaires qui prennent les dégâts sans récolter ni la gloire, ni le respect mais juste un peu d’argent pour boucler leur fin de mois et le plaisir de pouvoir vivre encore un peu de leur passion, même au risque de réduire leur espérance de vie.
Car les sparring-partners sont ceux qui prennent le plus de risques physiques vue la puissance de coups qu’ils subissent et le fait qu’ils mènent des combats toujours déséquilibrés. Des David dont le métier serait d’échauffer Goliath. Au delà de l’argument facile à placer pour faire la publicité du film, le fait que Kassovitz ait réellement pris des coups lors du tournage a du sens. Son interprétation (mais qui sera surpris ?) parfaite dans le corps de ce boxeur aussi malhabile avec les poings qu ‘avec les mots donne la tonalité du film. Sparring est un éloge de l’humilité. Rien n’est surjoué, tout est modeste jusque dans l’intrigue qui ne promet rien de plus que ce qu’elle offre. Il évite ainsi les pièges du misérabilisme et des clichés faciles du cinéma social.
Le langage du film s’inscrit dans cette volonté de s’approcher du réel sans l’appesantir. Les phrases sonnent justes. Toute la famille de Steve est cohérente et vraisemblable dans ses réactions et l’on comprend le regard mi-fier mi-triste qu’elle porte sur ce père de famille qui ne connaîtra jamais le succès et qui le sait très bien.
Le film n’échappe pas à quelques maladresses, et son humilité l’empêche parfois de transcender ce qu’il veut raconter. Les scènes de boxe ne sont pas particulièrement marquantes et peinent à retranscrire la puissance des coups de Souleymane M’Baye, boxeur professionnel qui s’en sort très bien devant la caméra. Mais ce n’est clairement pas ce que Samuel Jouy voulait filmer. C’est la tête de Kassovitz marchant péniblement sur un parking désert après s’être fait massacrer qui l’intéresse. C’est là que réside la puissance toute en retenue du film. Et ça fait quand même du bien de voir un regard qui semble si sincère sur des personnages qu’on voit rarement aussi bien incarnés au cinéma.
Sparring, de Samuel Jouy. Avec Mathieu Kassovitz, Olivia Merilahti et Souleymane M’Baye, en salles depuis le 31 janvier.