On a beau essayer de voir les choses sous un angle positif, cet été cinématographique est si morne qu’on est prêt à jeter notre dévolu sur le premier film qui passe. Pas d’inquiétude cependant, car si Genius n’est pas un grand film, il réussit parfaitement ce qu’il entreprend, à savoir faire vivre une amitié à travers la littérature.
Plus précisément, le film met en scène la camaraderie qui lie Thomas Wolfe, auteur de L’ange Exilé, à son éditeur Max Perkins son homme de confiance, probablement le seul à avoir distingué tout son talent. La question qui fait le cœur du film est de savoir si c’était Wolfe ou lui qui rendait ses œuvres si uniques. Égotique et imprévisible, le Thomas Wolfe que campe Jude Law est exubérant, au point d’emporter tout le film dans une course folle qui lui coupe le souffle. On peut y voir ici le principal défaut du métrage, celui qui empêche ses personnages (Nicole Kidman passe du coq à l’âne) d’être véritablement incarnés, trop vite insérés puis oubliés par le récit. On se concentre alors sur Colin Firth qui arrive encore une fois à emporter le film avec lui, à l’englober d’une dimension rassurante. Toutes ces scènes sont réussies, sa stature imposante et ses paroles apaisantes. Tel un père, c’est lui qui donne à cette relation son carburant et exploite tout son potentiel. L’alchimie est là, et voir l’élaboration — quoique accélérée — des livres est très plaisant. Les mots retrouvent leur signification, sous l’impulsion de l’écriture poétique de l’auteur, et parviennent réellement à modeler certaines séquences. L’époque retranscrite, entre la récession et la ferveur d’une culture nouvelle qui émerge, bénéficie du même élan.
On se demande même si le film n’est pas dédié à Perkins lui-même. Si la très jolie séquence d’ouverture se termine sur l’apparition du titre, de quel génie parle le film ? Celui de l’écriture, de l’éditeur ou celui né de l’amitié entre deux hommes ? Il n’y aura pas de réponse claire, et c’est aussi pour cela que le film est plaisant. Il n’ambitionne pas à marquer son auditoire mais à simplement mettre en valeur un éclat de génie, qu’il perdure ou non. À rendre aussi hommage aux éditeurs littéraires, souvent dans l’ombre mais sujet aux questionnements à l’idée de dénaturer ou améliorer l’œuvre sur laquelle ils travaillent. En cela, la relation décrite entre Perkins et F. Scott Fitzgerald, l’auteur de Gatsby Le Magnifique, dépeint très bien cette complicité si importante dans l’élaboration d’un roman. Genius cherche avant tout à dépeindre l’émergence de nouveaux styles, de nouvelles cultures, et à vrai dire, c’est déjà pas si mal.
GENIUS de Michael Grandage, avec Colin Firth, Jude Law, Nicole Kidman. 27 juillet 2016