Au début de l’affrontement, le jeune Stéphane (34 ans), qui n’en est pas à son coup d’essai, semble confiant. Après quelques courts métrages remarqués et un documentaire sur de jeunes tennismen, le réalisateur français semble prêt, physiquement, à relever un nouveau défi.
Un premier long métrage, ce n’est jamais évident. Mais le réalisateur entame bien la rencontre. Il dirige ses comédiens avec finesse, laissant l’expression brute d’Olivier Gourmet s’exprimer et l’évanescence de Valéria Bruni-Tedeschi se diffuser, lentement. Le couple fonctionne.
Le premier set lui est favorable. Il allonge les coups gagnants. Les spectateurs rentrent dans la partie. 3-1. 15 minutes de jeu.
Gagner une bataille…
L’intrigue s’installe, sociale, réaliste, profonde. Le ton est donné. La caméra est collée aux personnages, elle ne laisse passer aucun détail. Du haut de la tribune, les Frères Dardenne (producteurs du film) veillent. On sent leur présence dans chaque coup que Stéphane Demoustier assène au film. C’est l’histoire, plutôt banale, d’un couple en déliquescence programmée et de leur fils, Ugo, jeune champion de tennis, à l’avenir prometteur. Du moins, en apparence. Juste avant la fin de la première manche, le match prend, en effet, une tournure inattendue. Alors que Stéphane mène par cinq jeux à deux, il décide de diriger l’attention du spectateur vers la relation père-fils. La rencontre démarre vraiment. Le père entraîne le fils, sur une pente plutôt glissante. Il commence à pleuvoir sur le court. Les joueurs jouent un jeu dangereux. Ugo, encore subjugué par son père, subit son influence. Le père, abandonné, entraîne le fils dans sa chute. 6-2. 50 minutes de jeu. Stéphane montre des premiers signes de faiblesse.
…mais pas la guerre.
Le début de la deuxième manche tourne vite au désavantage du joueur français. Il semble perdre le fil de son histoire. Il rate plusieurs services, commet quelques fautes directes. Les balles qu’il renvoie sont trop longues. Les spectateurs commencent à s’ennuyer. 0-3. Le film s’enlise. Le marquoir indique 1h05 de jeu. Même Olivier Gourmet, pourtant habitué à tourner sans filet, perd un peu pied. On est loin d’un match à rebondissements. Le père s’enlise dans ses rêves d’entreprenariat et son fils, dont l’interprétation sobre a été confiée a un jeune comédien inconnu (bonne tactique), commence à plier sous le poids de la pression paternelle. La tension remonte. In extremis, Stéphane revient dans la partie. 5-5. La victoire semble à nouveau à sa portée.
Le coup de grâce
On sent le réalisateur légèrement fébrile au moment de plier le film. Il rejoint son personnage sur le court. 6-5. 30-0. Ils sont à deux points de la victoire, à deux points de la coupe. Stéphane le sait. Ugo aussi. Ce dernier va craquer, sa fin est sans appel. Celle du film, intelligemment dirigée quant à elle, laisse les spectateurs sur la leur. Ce sentiment que l’issue s’est jouée ailleurs qu’à l’image. Que la grâce du film est dans l’entre-deux. Comme le dit Stéphane Demoustier lui-même, que « la force du cinéma est entre les plans, là ou il se passe le plus de choses ».
Terre battue, Stéphane Demoustier, avec Valéria Bruni-Tedeschi, Olivier Gourmet , Charles Mérienne, France, 1h35