Pour moi qui n’ai jamais, de toute mon enfance, eu la télévision à la maison (je ne l’ai d’ailleurs toujours pas), le magnétoscope de ma grand-mère a toujours été un objet de vif intérêt. Tous les dimanches, j’épluchais le programme de la semaine à venir et téléphonais à ma grand-mère en lui signalant les pépites qu’il ne fallait absolument pas qu’elle oublie de m’enregistrer. J’ai d’ailleurs dû mettre bien trop de véhémence dans ces demandes en forme d’« offres qu’on ne peut pas refuser », à en juger par ses regards désolés et ses excuses pataudes lorsque par malheur sa mémoire, ou l’une de ses cassettes, faisait preuve de défaillance. Très peu de cassettes (excusez-moi, je voulais bien sûr écrire K7) achetées donc, mais je me souviens avec précision de la première : celle de Chasse à l’homme, de John Woo, avec Jean-Claude Van Damme (Hard target en anglais, allez comprendre). Passée, repassée, ralentie, accélérée, rembobinée, arrêtée sur images… Bref, lessivée. Retour sur tout un tas de raisons d’adorer ce film bancal du maître du film d’action.
Raison numéro 1 : des répliques cultes en Version Française (car oui, souvenez-vous, à l’époque presque tous les films étaient diffusés en VF)
– De JCVD au chef d’une bande de loubards venus emmerder une jolie jeune femme : « Tu prends ton canif, ton petit ami, et t’attrapes le premier bus qui passe ».
– De JCVD à un pauvre indic à qui le grand méchant vient de couper un lobe d’oreille : « J’vois qu’on t’a raccourci une oreille, alors je vais te demander d’écouter avec un maximum d’attention ».
– De JCVD à lui-même, après avoir fait exploser une voiture ennemie : « Ouaaaaaiisss ! » En serrant le poing. Et au ralenti s’il vous plaît.
Raison numéro 2 : JCVD, presque bon.
Ce film est sans doute le meilleur rôle de l’acteur de toute sa carrière (exception faite, peut-être, de son propre rôle dans JCVD) : un milieu de trentaine, un look de bad boy soigné, boucle d’oreille (une seule), cheveux frisés mi-longs et pardessus noir à l’appui, et un metteur en scène de talent pour mettre en valeur les gestes martiaux de l’ancien champion de karaté. On y était presque… Mais NON. Jean-Claude est aussi nul que d’habitude, et distribue des regards noirs qui annoncent la bagarre et des regards de veau qui annoncent l’amour. Par contre, ses coups de pieds à la technique parfaite restent TRÈS impressionnants.
Raison numéro 3 : de la violence, juste ce qu’il faut lorsqu’on a 10 ans.
Ah, les films interdits aux moins de 12 des années 90, regardés en douce deux ans avant l’âge légal… Quel bonheur ! Ici, outre le découpage d’un lobe d’oreille à l’aide de ciseaux sus-mentionné, on trouve tout ce qu’il faut pour émoustiller le pré-ado aussi lâche qu’assoiffé de bagarres virtuelles que j’étais : un bras qui se fracture, une tête explosée à bout portant dans un habitacle de voiture par un coup de fusil à pompe, des arbalètes aux carreaux assassins, sans oublier une grenade glissée dans le cal-cif (/but/bar, selon votre argot à vous)… Bref, que du bonheur !
Raison numéro 4 : des seconds rôles de premier choix.
Et là, je suis très sérieux (- Ah bon, avant tu l’étais pas ? – Mais si ! Mais là, vraiment. Plus. Pour de vrai, quoi !) : Lance Henriksen dans le rôle du grand méchant, impérial, génial de cruauté froide. Et surtout le beaucoup trop rare Arnold Vosloo, en bras droit du super méchant. Mais si, Arnold Vosloo, vous vous souvenez ? La momie 1, La momie 2, La momie 3… Tout ça, quoi ! Je n’ai réellement jamais compris pourquoi cet acteur était si sous-employé. Dans ce film, il est tout simplement excellent : son visage parvient à masquer une promesse de violence inouïe derrière un flegme trompeur. Sa façon de bouger, de recharger son arme, et jusqu’à sa voix sont parfaites de décontraction glaçante… Chapeau à toi, Arnold !
Raison numéro 5 : droiter un serpent. (Si si, vous avez bien lu!)
Une scène grandiose me revient toujours en tête lorsque je pense à ce film. Poursuivis dans les bois par les méchants, JCVD et la jeune demoiselle qu’il a prise sous son aile font une pause près d’un arbre ; soudain, le regard de notre héros se fixe avec intensité sur un point derrière la jeune fille, tandis qu’il continue à bavarder de choses et d’autres ; il lui demande de fermer les yeux ; naïve, elle pense qu’il va l’embrasser, et tend légèrement ses lèvres en avant. C’est alors qu’à sa grande surprise, et à celle du spectateur, JCVD saisit, rapide comme l’éclair, un serpent qui était sur le point de la mordre. Il attire la bête à lui, la faisant glisser sur l’épaule de la jeune femme horrifiée, puis lui assène une petite claque, dans le but de l’assommer. La bête, coriace, continue à bouger ; JCVD doit cette fois lui asséner un direct sec et précis pour en finir: il vient de droiter un serpent. Puis, il conclut cette scène de virilité absolue par un de ses clins d’œil les plus charmeurs. Mythique !
Qui dit mieux ?
Chasse à l’homme, de John Woo avec Jean-Claude Van Damme