Yassassin, Les Chroniques de Berlin (4) suite et fin

Lundi 10 février, la sélection était très française. D’abord avec Arrête ou je continue, le nouveau film de Sophie Fillières, où l’on retrouve le couple Devos-Amalric au bord de la rupture. Si à la sortie de la salle nous étions assez peu emballés, il semblerait que le film mérite un petit temps de repos avant d’être apprécié à sa juste valeur. Sophie Fillières montre avec une acuité assez cruelle le délitement progressif d’une relation conjugale entamée par les reproches et le mépris continuels. Après une énième dispute lors d’une randonnée, Pomme décide de rester dans les bois, mais sa disparition n’émeut guère Pierre qui, après plusieurs jours d’absence, se lance mollement à sa recherche. Pendant ce temps, Pomme vit une retraite où elle renoue avec elle-même et le monde qui l’environne. Entouré d’une galerie de personnages à la fois drôles et étranges (on pense à la fiancée du fils de Pomme, Simone, obsédée par le Scrabble), le couple se défait peu à peu, sans que personne ne puisse ni ne veuille rien y faire.

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Place ensuite à Aimer, boire et chanter, d’Alain Resnais. Comme pour Vous n’avez encore rien vu, le réalisateur organise le récit autour d’un grand absent. Ici, il s’agit de George, un ami de longue date de Katherine, Colin, Monica, Simeon, Tamara et Jack, dont les jours sont comptés. Pour lui faire oublier son triste sort, ses amis lui proposent de jouer dans la pièce de théâtre que Peggy (absente elle aussi) met en scène. Les intrigues et petits secrets se trament dans des décors de théâtre en carton pâte, où les comédiens excellent, Michel Vuillermoz et Caroline Silhol en tête. C’est surtout la tendresse et l’absence totale de cynisme qui confèrent toute sa fraîcheur à ce charmant interlude.

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La journée s’est achevée avec Casse, de Nadège Trébal, ancienne étudiante scénariste de La Fémis, qui avait notamment coécrit Les bureaux de Dieu avec Claire Denis en 2008. Cette fois-ci, la réalisatrice a posé sa caméra dans une casse de voitures, non loin d’Orly. Elle filme le quotidien des hommes au travail, arrivés en France dans l’espoir d’améliorer leur quotidien. Ici chacun est son propre patron, enchaîne les longues journées de labeur sans jamais ménager son corps. Pour Nadège Trebal, la casse est un lieu emblématique de la déconstruction, où l’on dépiaute ce que d’autres ont mis tant de temps à assembler soigneusement. C’est aussi un endroit où beauté et laideur se côtoient comme nulle part ailleurs, aime-t-elle à dire. Elle livre des portraits saisissants, drôles et touchants, baignés dans une atmosphère et une lumière éclatantes. Ce fut à n’en pas douter le plus beau film vu cette année à Berlin.

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Mardi 11 février, avant de rentrer à Paris, nous aurons eu le temps de voir un documentaire allemand, Souvenir, qui retrace la vie d’un homme, Alfred Diebold, qui travailla longtemps pour des agences de développement. Il se présenta en 2009 aux élections européennes (SPD) puis disparut mystérieusement dans l’Arctique à la fin de cette année-là. André Siegers a entrepris de réaliser un documentaire sur Diebold à partir des centaines d’heures de vidéos enregistrées par ce dernier tout au long de ses voyages à l’étranger, lorsqu’il travaillait au développement des pays émergents, mais aussi lorsqu’il rendait visite à ses parents, ou partageait des moments avec son épouse. Journal intime filmé, Souvenir est un non seulement document poignant, mais qui fait aussi s’interroger sur la mise en œuvre et le dispositif du récit (auto)biographique.

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