A propos de La Bataille de Solférino, nous évoquions chez Cinématraque le manque de folie de certains jeunes cinéastes. Yann Gonzalez n’est sans doute pas le dernier des fous – il reste donc de l’espoir. Les Rencontres d’après minuit est en tout cas un vrai geste de cinéma. Il en faut, du courage, pour tenter de rompre avec les conventions réalistes, tout en ne s’affiliant à aucune école particulière. Là où certains voient du Buñuel (Le Charme discret de la bourgeoisie), d’autres croient identifier l’influence des frères Wachowski (Speed Racer, Matrix). Et là où l’on pense à Rohmer, Gonzalez, de son côté, cite volontiers Jean Rollin. On passe ainsi d’Albator aux Contes de Canterbury.
En réalité, Gonzalez est autant influencé par la série Z et Mad Movies que par le cinéma dit d’art et d’essai et Les Cahiers du Cinéma. Les Rencontres d’après minuit convoque culture populaire et culture classique pour initier leur dialogue. En d’autres termes, il y a chez Gonzalez un désir d’établir une jonction entre des publics qui ne se mélangent que très rarement. Le geste, en plus d’être beau, est éminemment démocratique. Ce n’est pas le moindre de ses mérites, car en plus de croire en la popularité d’un cinéma exigeant (et vice versa), il tient son projet de bout en bout, fidèle à ses désirs de cinéaste. Il en va ainsi du choix de tourner dans des décors théâtraux minimalistes, tout comme de l’écriture des dialogues qui peuvent, par endroits, rappeler la langue d’Eustache. Des choix qu’il assume sans honte, quand bien même ceux-ci pourraient parfois menacer de tomber dans le ridicule. Quand certains chercheraient à se justifier, lui assume la perte de contrôle que cela implique : l’imperfection, l’accident font partie du cinéma, d’un cinéma libre et plein d’avenir en l’occurrence. Les Rencontres d’après minuit sont un hymne à la liberté, et l’un des plus beaux moments vécus sur la croisette.
Les Rencontres d’après minuit, Yann Gonzalez, avec Kate Moran, Niels Schneider, Nicolas Maury, Eric Cantona, Fabienne Babe, France, 1h31.
La bande annonce m’avait plutôt écarté du film, mais ton article donne envie d’y aller !