Birdman, Oscar de l’esbroufe pour Iňarritu

Le film a cartonné aux Oscars. Comme on est pas snob, on l’en félicite. Passons maintenant à l’essentiel : le supplice de son visionnage.

Le grand triomphateur des Oscars 2015 est aussi l’une des petites arnaques de ce début d’année. Comment dire. Dans l’absolu, on n’a rien contre Iňarritu, auteur d’au moins un bon film (le tout premier, Amours chiennes – 2000, avait quand même de la gueule). On n’a rien contre mais pas grand chose pour non plus, la plupart de ses opus restant surtout en mémoire pour leur réalisation ampoulée, leur prêchi-prêcha grossièrement universaliste, leur pesanteur toute « contemporaine ». Reste que ce passif n’empêche pas d’être intrigué un petit quart d’heure durant par l’option scénographique exclusive de Birdman : suivre sur deux heures le personnage titre, incarné par le rare Michael Keaton, en un long plan séquence glissant des coulisses à la scène, des répétitions à la représentation, des petites mesquineries privées à la catharsis publique. Sinon l’un dans l’autre.

Un quart d’heure, pas plus ? C’est déjà bien. Ce qui aurait pu s’avérer un exercice de style prometteur d’immersion franche, de perte de vue (dans la mouvance de la superbe Arche russe de Sokourov – 2002) apparaît très vite, trop vite comme un cache-misère. Misère d’une incapacité monstre d’Iňarritu à saisir de sa caméra fureteuse davantage que l’hystérie des prestations d’une troupe d’acteurs au talent comme aplati. Chacun y va de sa réplique qui tue, de sa punchline, de son petit culot (fières exhibitions de Keaton et Edward Norton) sans parvenir à instaurer la moindre promesse de transcendance. D’où qu’entre deux bâillements et étirements (très difficile, physiquement, d’être spectateur d’un pareil film) on soit amené à improviser, par réflexe de survie, une petite manœuvre de résistance.

Celle de votre serviteur tint à une chose simple : constater encore, de scène en scène, que non seulement Michael Keaton est comme chacun sait le sosie de Julien Lepers, mais surtout qu’il n’a rien à lui envier, lorsqu’il mise comme ici sur l’extraversion, en matière de cabotinage mi-génial mi-pathétique. En allant au bout du trip, on peut même arriver à mettre Birdman totalement de côté pour mieux rêver au remake franco-américain de Mes doubles, ma femme et moi d’Harold Ramis (1996), l’un des rares grands rôles de Keaton. Imaginons alors, pourquoi pas, la tête de ce dernier accolée au corps de son jumeau de la vraie vie en pleine présentation de son jeu mythique. Ou l’inverse, l’irruption de Lepers, fiches à la main, au détour d’un plan de Jackie Brown ou Batman, le défi. Tout cela synthétisé dans un super film oscarisable de deux heures. Gros rire dans ma tête. Une moindre récompense dans notre job pas toujours facile.

Birdman, Alejandro Gonzalez Iňarritu, avec Michael Keaton, Zach Galifianakis, Edward Norton, Etats-Unis, 1h59.

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