« Go Go Tales » d’Abel Ferrara, déclaration d’amour aux femmes et à New York

Presque un an après la diffusion du film en salle, et quelques mois après la sortie du DVD chez Capricci (oui, encore), difficile de revenir sur Go Go Tales, second film d’Abel Ferrara avec l’éternel Christ en croix Willem Dafoe, et dont, ici et là, on a déjà beaucoup dit : résurrection d’un cinéaste que beaucoup disaient fini, regard doux-amer sur sa propre condition d’artiste, magnifique retour sur scène pour le simple plaisir de filmer – et il est vrai que l’on y trouve un peu de tout cela. Mais c’est aussi, et surtout, un film assez singulier pour Ferrara, dans le sens où il s’agit d’une œuvre apaisée.

L’auteur donne une nouvelle fois à Dafoe un rôle loin des bad guys qu’il peut interpréter dans les films à grand spectacle. Sa gueule, à défaut, sert de miroir à celle, cassée, du cinéaste. Ce visage marqué est la porte d’entrée d’un film organique, dans lequel le corps tente de supplanter l’image. En cela, il est l’envers de 4h44, film à l’esthétique moins baroque mais dans lequel, pourtant, l’image devenait sujet.

La fermeture d’un nightclub n’est certes pas la fin du monde, mais elle annonce la fin d’un monde, celui qu’affectionne Ferrara. Celui d’un New York festif et noctambule, cosmopolite et affranchi. Il s’agit d’offrir, sur fond de Grace Jones, de joyeuses funérailles à la ville qui l’a vu naître et se construire. Le New York de Go Go Tales n’existe plus, Ferarra met en boîte Big Apple et le capitalisme de la même manière, au final, qu’a pu le faire Cronenberg dans son Cosmopolis, autre film dans lequel l’image, le corps, la big city et le capitalisme s’entrechoquent.

Mais là ou le Canadien filme un New York asexué à travers son King, Robert Pattison, Ferrara voit, derrière la forme phallique de Manhattan, le sexe d’une femme. Il a pour la ville autant de désir que pour les femmes. Difficile de passer sous silence le corps de celles-ci dans Go Go Tales : c’est autant le business de Ray Rubby (Willem Dafoe) qu’un bel hommage du cinéaste à leur beauté. Il y a peu de doute sur le fait que c’est grâce aux femmes qu’il est encore possible, aujourd’hui, d’attendre un nouveau film d’Abel Ferrara. Le corps féminin sous toutes ces formes est l’énergie qui tient le cinéaste vivant. Un corps adolescent, comme celui de Lou Doillon, felliniesque, à la Sylvia Miles, athlétique (Stefania Rocca), voire évidement reptilien comme seul celui d’Asia Argento peut l’être. Difficile, devant tant d’efforts, dans le casting autant que dans la façon de le mettre en image, de rester de marbre. Il y a dans ce film un acte délibérément récréatif qui confine au sublime, une recherche de beauté picturale sans équivalent, chez Ferrara, depuis Nos Funérailles. Certes, Go Go Tales n’est pas forcément une œuvre majeure du cinéaste, mais en tout cas s’agit-il d’une vraie déclaration d’amour aux femmes, à la vie et à New York.

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