Sky Dome 2123 : l’arbre qui cache la forêt

Programmé dans la Compétition Contrechamp au Festival d’Annecy, Sky Dome 2123 (White Plastic Sky dans son titre original) est selon ses producteurs le premier film d’animation slovaque à faire partie de la sélection dans l’histoire du festival. De quoi se demander un peu où étaient les animateurs slovaques jusqu’à présent, tant la proposition de Tibor Bánóczki et Sarolta Szabó est déroutante et (il faut l’avouer) angoissante.

Dans cent ans, partez du principe que toute vie animale et naturelle a disparu. Seules quelques villes subsistent sous cloche, mais la survie de l’humanité toute entière ne tient qu’à un fil. Pour réguler la population et subvenir à nos besoins primaires, les règles se font de plus en plus strictes. Barbares, même. Puisque désormais, passé l’âge de cinquante ans, tout être humain doit se livrer aux autorités pour être transformé… en arbre. Quand sa femme Nora décide de se livrer prématurément à ce destin, alors qu’elle n’a que 32 ans, Max veut tout mettre en œuvre pour la retrouver, quitte à braver le système tout entier.

Rare image de moi ayant dormi pendant toute la séance de Art College 1994 (pardon)

Sky Dome 2123 commence par un long traveling descendant sur ce qu’il reste de Budapest sous d’immenses baies de verre, avant d’arriver dans des rues mornes, où tout piéton demeure immobile, non-identifiable. La seule couleur provient de projections d’arbres de couleur bleue, et de la lumière du soleil qui s’invite dans les rues. Autrement, tout est gris et aride, à l’image des terres désolées de l’extérieur, faites de sables, de rocs et de débris, où seul le vent se fait entendre. Les seules couleurs viennent de la vie en tant que tel. Des quelques personnages que l’on croise, par la couleur de leurs cheveux ou de leurs vêtements. Mais aussi des quelques éléments encore en vie : le ciel et la lumière, mais aussi la couleur verte des feuilles d’arbres exploités sous terre, pour en récupérer l’oxygène.

La vie se dégage aussi de l’animation de Tibor Bánóczki et Sarolta Szabó, qui se veut ultra-réaliste. Les réalisateurs ont tenu à reproduire les mouvements de leurs acteurs en rotoscopie, sans pour autant utiliser de logiciel spécifique. Ils n’ont compté que sur le talent de leurs animateurs, et le résultat est saisissant. La vie comme l’absence de vie, puisqu’on comprend bien que si Nora prend la décision d’abandonner son existence, c’est que quelque chose s’est brisé entre elle et Max. Car malgré la destruction du monde, chacun essaie de mener son destin comme il le peut, ce qui n’empêche pas d’être confronté au malheur.

Pour Max, retrouver sa femme, c’est aussi faire renaître la flamme entre eux. Mais quand il la retrouve, Nora a déjà été « implantée » (au sens littéral comme au sens figuré, en fait ?). Elle est mi-femme, mi-arbre. Et à moins de se faire opérer, elle en deviendra totalement un. Cette quête à travers des territoires esseulés et dévastés convoque évidemment de grands classiques comme Total Recall ou Mad Max, tout en étant à une échelle bien plus intimiste. Malgré peut-être quelques longueurs, Sky Dome 2123 est une course sidérante et désespérée vers l’impossible. Comme Max et Nora, on ne peut s’empêcher d’y croire. Mais croire en quoi, finalement ? Les croyances, les idées reçues, la science, l’affect… Tout se mélange de façon à ce que chacun se fasse une idée sur cette transformation. Si l’humanité toute entière a connu plusieurs évolutions, pourquoi pas une nouvelle, plus radicale ?

Sky Dome 2123 (White Plastic Sky), un film de Tibor Bánóczki et Sarolta Szabó. Sortie le 24 avril 2024. Programmé en Compétition Contrechamp au Festival international du film d’animation d’Annecy.

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