Bis, futur carton du box-office de bonne facture

Chers tous,

Hier soir débutait l’édition 2015 du Festival de la comédie de l’Alpe d’Huez. J’y étais, et j’ai finalement et contre toute attente décidé d’y rester pour la semaine.

Ca n’est absolument pas pour la beauté des montagnes. Non, vraiment, les grands pics qui percent le peu de nuages s’aventurant dans le coin pour mieux les dissoudre à l’approche du dessus de ma tête, et ne laisser me survoler qu’un ciel d’un bleu éclatant et un soleil – que je n’avais pas vu depuis quelques mois – le dominant, c’est surfait. « Oh ouais mais tu vas revenir tout bronzé, on sait bien que c’est pour ça que tu y restes. » Faux, si tu me connaissais un peu, tu saurais que je ne bronze jamais, j’ai une capacité incroyable à rougir, puis peler.

Ca n’est pas non plus pour la bouffe. Du fromage fondu, du jambon de pays, re-du fromage fondu… : on se lasse assez vite, aguerris que nous sommes au mythique triptyque jambon Herta (celui qu’on achète par 8 tranches et qui baigne dans un jus peu ragoutant mais pas mauvais) – pâtes Barilla (goûts de luxe, je sais) – gruyère rapé Casino (je vois pas trop la différence avec les grandes marques) des lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi et dimanche soir.

Ca n’est pas non plus pour y trouver Charlie Hebdo. Non, là, vraiment, ça ne va pas me faciliter la tâche, sachant que le village est rempli d’amoureux du rire, de fanas de la déconne, de zozos de la poilade, la buraliste ne sachant trop comment s’y prendre avec les demandes de chacun de « lui réserver un numéro », étant donné qu’il en reçoit environ, étant donné la difficulté d’accès à la station, 3 exemplaires tous les 6 jours.

Si j’ai décidé de rester, c’est parce qu’ici, je vais pouvoir m’adonner à ce qui fait mon amour premier du cinéma : alterner comédies potaches qui divertissent et comédies surprenantes qui déstabilisent (OFNI, comme disent les hipster), puis vous raconter tout ça sur Cinématraque. Car c’est en effet à une programmation éclectique alléchante (peut-être la plus belle de l’histoire du festival) que je suis convié, et je ne manquerais ça pour rien au monde. Pas même pour du jus de jambon Herta.

Le Festival a donc débuté hier soir avec la projection de Bis, une comédie de Dominique Farrugia avec Franck Dubosc et Kad Merad. Sur le papier, ça sonne plutôt bien, puisque ça paraît porté par Franck Dubosc, qui est certainement le comique le plus évident du cinéma français, et qui rend le moindre petit film extrêmement sympathique.

Et le résultat est en effet de bonne facture.

Eric (Dubosc) et Patrick (Merad) s’emmerdent dans leurs vies respectives et se retrouvent un beau jour, comme par magie, en 1986, à l’époque où l’on commandait encore sur La Redoute par minitel.

Pitch extrêmement simple, déjà-vu me direz-vous, mais toujours extrêmement efficace, vous répondrais-je, pour peu que le réalisateur daigne en faire un tantinet plus qu’un amas indigeste de gags anachroniques.

Farrugia pose un premier postulat assez culotté et en disant long sur la comédie actuelle : ses héros de 1986 ont pour le spectateur l’apparence d’aujourd’hui, mais au détour d’un miroir, on les aperçoit de temps en temps comme les autres personnages les voient (jeunes et assez banals, c’est d’ailleurs fascinant de voir comment un même mouvement – les mecs ont une scène où ils jouent avec leurs reflets – peut paraître plus ou moins comique selon son interprète). Ce qu’il semble vouloir nous dire, c’est l’incapacité du cinéma comique français à se renouveler, et à aller trouver des jeunes, comme en 1986, capables de porter un film sur leurs drôles d’épaules. Et le faire avec une pirouette visuelle de cet acabit est plutôt malin.

Le mécanisme fonctionne en effet extrêmement bien, et c’est d’ailleurs là la plus-value immense du film. En posant ainsi ce jalon, Farrugia souhaite (à la différence de Lvovsky dans Camille Redouble, qui ne partait pas du tout dans cette direction) emmener le spectateur dans un cercle vertueux de private jokes où les situations ne sont comiques que parce qu’elles sont justifiées par cette astuce. Et le spectateur de toujours faire cette gymnastique, voyant à l’écran Dubosc et Merad mais gardant à l’esprit qu’aux yeux des autres personnages, ce sont les jeunes hommes de 1986. Ainsi, voir Merad pitcher Bienvenue Chez les Ch’tis à la secrétaire de Claude Berry pour tenter de faire de la thune est le genre d’idées rigolotes qui traversent le film.

Résultat, protagonistes et public semblent énormément s’amuser, et le plaisir communicatif fait du film une œuvre pas avare en éclats de rire, quoique pêchant quelque peu dans son exposition gros sabots, où il n’est question que de fabriquer des pistes de façon très didactique pour mieux enchaîner ensuite les péripéties.

Des gags bien maîtrisés, des punchlines qui font souvent mouche (mention à Dubosc qui, lorsque les deux compères mettent le nez dehors et se rendent compte avoir été projeté dans le passé lâche un très bon : « soit on est en 1986, soit on est à Valenciennes »), Farrugia semble avoir trouvé – l’homme n’avait à mon sens auparavant réalisé que des navets assez insupportables – un sens du timing proche de celui des Nuls – même si l’on regrette parfois que les scènes ne s’étirent pas un peu pour voir poindre la gêne, cet ingrédient mystérieux qui rend tout film drôle hilarant. Ca n’est d’ailleurs sûrement pas un hasard si l’intrigue prend ses quartiers dans les années 1980, celles dont la troupe de Farrugia et ses potes a su comme personne montrer le kitsch, très présent ici.

Oui, c’est donc décidé, je reste à l’Alpe d’Huez. Et aujourd’hui, j’y découvre normalement notamment le très attendu Reality, de Quentin Dupieux…

Bis, de Dominique Farrugia, avec Franck Dubosc et Kad Mérad – Sortie le 18 février 2015

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