Les Beaux gosses : ingrate adolescence

En 2009, Riad Sattouf s’essaie au cinéma après avoir remporté un franc succès à décrire l’adolescence dans plusieurs bandes dessinées, telles que La Vie secrète des jeunes ou Pascal Brutal. Les Beaux gosses raconte le quotidien de Hervé et Camel, deux ados de quatorze ans plutôt moches et pas très fins, condamnés à masquer leur appareil dentaire sous un début de duvet.

Véritable sommet de drôlerie, le film redéfinit les codes et les limites du teen movie, là où Lisa Azuelos, entre autres exemples, nous gratifiait quelques mois plus tôt d’une vision fade et surtout très fausse de l’adolescence. Dans LOL, la réalisatrice se cantonnait en effet à jeter un voile pudique sur l’âge ingrat, refusant en un sens de traiter son sujet tant il serait embarrassant et repoussant. Riad Sattouf, lui, témoigne de sa capacité à mettre en lumière, et de surcroît sans cynisme, tout ce que les uns et les autres évitent soigneusement de voir ou de montrer. La scène inaugurale du film, un très gros plan sur un couple en train de se galocher sévère, donne le ton. Camel, interdit devant un tel spectacle, y va de son commentaire : « Quoi ? Lui ? Il a une meuf ? Mais c’est la tête de cul de l’univers ! ». En instaurant un rapport direct et immédiat avec les corps, leurs pulsions et leurs fluides, le réalisateur parvient à une vérité certes peu ragoûtante par moments, mais prouve le respect avec lequel il traite ses sujets en les affichant sans gêne.

Riad Sattouf se refuse à camoufler l’ingrat et repousse ainsi les limites du genre auquel il s’attache, tant dans sa mise en scène (nombreux sont les très gros plans qui ne cachent rien des visages en mutation des ados) que dans la façon crue et directe dont sont abordés les sujets tabou. Dans une scène mémorable où Hervé pique une crise de nerfs après que sa mère a fait irruption dans la salle de bains en demandant, hilare : « tu te masturbais ?», celui-ci répond : « on peut pas être tranquille dans cette baraque ». Et elle de rétorquer en pointant son ventre : « Oh, je t’ai porté là pendant neuf mois, donc tu vas pas me sortir le couplet sur l’intimité hein ! ». Cette scène manifeste tout à la fois l’aisance avec laquelle le réalisateur s’attaque aux sujets délicats et révèle une des questions centrales du film, celle de l’intimité, bien difficile à acquérir pour Hervé et ses copains. Au-delà du personnage de l’exceptionnelle Noémie Lvovsky, mère poule invasive et exubérante, les adultes semblent bien incapables d’accorder aux adolescents la vie privée qu’ils réclament. Ce ne sont pas tant leurs intrusions permanentes que leur lourde tendance à étaler leur vie privée qui dérangent ces pauvres élèves de troisième. A ce titre, la scène où l’amant de Noémie Lvovsky dit à Hervé au petit matin : « Je vais pas réveiller ta mère, tu lui diras que c’était génial ! » est un sommet de drôlerie. Qui sont vraiment les ingrats dans l’histoire ?

Les Beaux gosses, Riad Sattouf, avec Vincent Lacoste, Anthony Sonigo, Alice Trémolières, France (2009), 1h30.

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