House of Cards, saison 1: Machiavel à la Maison-Blanche

Seconde création originale du site internet Netflix, la série créée par Beau Willimon (mais adaptée d’une mini-série anglaise de la BBC datant de 1990) débarque sur Canal + le 29 août. En ce qui concerne les conditions de production et de diffusion plutôt novatrices de ce show à gros casting (Kevin Spacey & Robin Wright), un bon résumé avait été fait ici à l’époque. Après une telle présentation, la question qui se pose est la suivante : que vaut au final la série co-produite par David Fincher ? A dire vrai, le bilan est mitigé.

La première saison suit les pas de Frank Underwood, membre du Congrès Démocrate déçu par une fausse promesse du président Garrett Walker, récemment élu. Pour mener à bien son implacable vengeance politique, Underwood compte sur l’appui de sa femme Claire, dirigeante d’une ONG, et sur ses capacités à manipuler à sa guise les pions dont il aura besoin. S’inscrivant dans la tradition très américaine de la série politique, avec la Maison-Blanche en toile de fond, House of Cards se présente presque comme un négatif de la série d’Aaron Sorkin. Dans The West Wing (1999-2006), l’équipe présidentielle était efficace, solidaire, et très idéaliste (voir les  «épisodes de Noël», seule fausse note de la série, qui récitaient la bouche en cœur les idéaux américains) ; quant au président Bartlet, il était intelligent, charismatique et très soucieux de représenter une certaine éthique de la démocratie occidentale.

Ici, le président Walker est un grand dadais fadasse qui semble ne jamais réaliser ce que le machiavélique Frank Underwood trame derrière son dos. Précisément, ce cynisme total du personnage d’Underwood est à la fois l’un des attraits de la série, et l’un de ses principaux problèmes. Car, au-delà de l’absence totale d’empathie pour les personnages (tous ou presque sont corrompus par l’ambition et la soif de pouvoir) qui se révèle au bout de quelques épisodes, c’est la crédibilité même de la série qui est en jeu. Sans être naïf, on peut douter du fait qu’un personnage tel que Frank Underwood soit très vraisemblable, tant est criante son absence de faiblesses : c’est bien simple, il est toujours plus intelligent que tout le monde, et même lorsqu’un grand patron proche du président semble lui tenir tête, il parvient sans trop de difficulté à s’en tirer à son avantage. Quant au dérapage scénaristique du dernier tiers de la saison, il semble bien grossier et fait basculer la série dans un univers caricatural à la Dallas.

Ces ratés du scénario sont dommageables car les premiers épisodes, justement réalisés par Fincher, promettaient quelque chose d’inédit : une série dans laquelle, enfin, la réalisation serait à la hauteur, voire supérieure au scénario. En effet, le format série est ordinairement favorable à l’écrit, les délais et les modes de production obligeant la plupart du temps le réalisateur à se glisser dans le costume taillé sur mesure par les scénaristes – d’où un style parfois neutre et sans charisme (l’exemple le plus flagrant serait à chercher du côté de Game of Thrones). A l’inverse, dans les deux premiers épisodes de House of Cards, Fincher (déjà rompu au périlleux exercice de se confronter à des scénarios pointus – notamment avec Aaron Sorkin sur The Social Network) se confronte avec panache au matériau écrit : il cherche des angles inédits, propose des plans jamais vus dans ce type de format, bref, emporte le morceau sans réserve. Mais – encore une fois fatalité de ce format – lorsqu’il passe la main à James Foley, Joel Schumacher, puis le lot commun des réalisateurs de série, le résultat s’en fait durement ressentir, et la plate réalisation de plusieurs épisodes ne fait que mieux ressortir les problèmes du récit. Loin d’être sans intérêt (les acteurs sont dans l’ensemble impeccables, mention spéciale à la sublime et glaciale Robin Wright), cette première saison reste donc un demi-échec pour une série qui donnait l’eau à la bouche. On espère donc que Fincher reviendra à la réalisation pour la saison 2.

House of Cards, saison 1. Série créée par Beau Willimon, avec Kevin Spacey, Robin Wright, Kate Mara. A partir du 29 août sur Canal +

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