Entretien avec Claude Le Pape, co-scénariste des Combattants

En novembre dernier, le Festival du film francophone d’Albi accueillait Claude Le Pape. La jeune scénariste avait généreusement mis à disposition le script original des Combattants auprès des collégiens d’Albi qui travaillaient sur le film.
Chaleureuse et disponible, aussi bien pour les élèves que pour les journalistes de Cinématraque, Claude Le Pape a bien voulu répondre à nos modestes questions sur le processus d’écriture de l’un des cartons français de l’année 2014. Rencontre.

Vous avez travaillé avec Thomas Cailley sur son court métrage Paris-Shanghai, puis sur Les Combattants. Comment vous êtes vous rencontrés et comment avez vous commencé à travailler en semble ?
C’est assez simple : Thomas était mon camarade de promo à la Fémis, en section scénario. En troisième année il a eu envie de faire un court métrage ; il avait déjà un scénario, et comme j’étais à cette époque « spécialisée » dans les ados et qu’il y en avait un, il m’a demandé de travailler avec lui. On a réécrit son film ensemble, on a fait les castings et je suis allée sur son tournage en tant qu’assistante mise en scène. Comme notre binôme avait plutôt bien fonctionné sur le court, quand il a écrit son long métrage à la sortie de l’école il m’a demandé à nouveau de travailler avec lui.

Comment naissent les idées ? Thomas vient vous voir avec un pitch, ou bien vous l’inventez ensemble ?
C’est à chaque fois un duo, mais dans les deux cas Thomas est arrivé avec, plus qu’un pitch, un scénario. Il est très fort en structure, en récit, il arrive donc avec un scénario complet, écrit de A à Z. Notre travail à tous les deux c’est de faire vivre l’histoire, de renforcer les personnages, de les faire parler naturellement… On retravaillait donc surtout les personnages et les dialogues.

Effectivement dans les deux films, les dialogues sont très réussis. C’est dont plutôt cette partie qui vous revient.
Ça ne me revient pas entièrement, Thomas de lâche pas les personnages et les dialogues, mais c’est ce que je préfère faire dans un scénario. Il le sait, et c’est pourquoi il me propose de le faire avec lui. Dans les deux films, je ne pourrais pas dire ce que chacun a écrit : j’ai tout réécrit, lui aussi, sur Les Combattants ça a duré quelques mois. On a travaillé très vite et très intensément. On a réécrit ensemble, je pense, cinq ou six versions. On avait reprit tout le synopsis avec des post-its pour tout rebâtir, mais en arrivant à quelque chose qui ressemblait à son idée originale et à la première version du scénario. Il y a des choses qui on changé mais les personnages et les situations étaient là. Le but était de faire vivre « encore plus » les personnages et de les pousser dans ce qu’ils avaient de plus étrange et d’incompatible. Aussi, ce que Thomas aime faire avec moi c’est de se mettre au plus près des personnages, de ne pas les regarder ni de côté ni de haut, mais de se mettre vraiment à la place de chaque personnage au moment ou on écrit la scène. Les scènes les plus fortes des Combattants ont toujours été là, mais elles ont été réécrites afin de s’approcher au plus près de ce que Thomas voulait, et de ce que les personnages portaient déjà en eux.

Vous réécrivez donc chacun plusieurs versions du scénario. Est-ce que ça signifie que l’un reprend ce que l’autre a écrit (une scène par exemple) et revient ensuite lui proposer sa version, ou est-ce que vous réécrivez la scène ensemble ?
Les deux cas de figure existent. Une fois qu’on avait rebâti la structure et qu’on avait un séquencier complet, Thomas m’a demandé d’oublier les scènes qui étaient déjà écrites pour les réécrire : à chaque fois il voulait avoir ma version de la scène. Ensuite on les reprenait ensemble, ou pas.
Les semaines qui ont précédé le tournage, on s’est retrouvé devant l’ordinateur, à réécrire ensemble les répliques.
Le scénario est finalement très proche de ce qui a été filmé. Il y a eu très peu, voire aucune improvisation, aucun changement de dialogues ; mais par contre il y a certaines scènes qu’on a réécrites la veille du tournage, moi à Paris et lui sur le plateau. Avec des changements qui sont parfois minimes, mais Thomas avait besoin d’aller au plus loin avant de tourner la scène, d’autant plus qu’il a tout tourné dans la chronologie, ce qui est très rare. Du coup il savait très bien où les personnages en étaient de leur parcours, et ce dont ils avaient besoin pour continuer.

Parlez-nous de ces réécritures en cours de tournage ?
Il y a eu notamment une réécriture importante : la fin a été retournée six mois après. L’avant-dernière scène, entre les deux frères, a été intégralement retournée dans un nouveau décor. Et dans la scène finale, tous les plans d’ensemble sont d’origine, mais le dialogue ne fonctionnait pas. Je l’ai donc réécrit, et Thomas a utilisé les différentes pistes que je lui ai fourni pour re-tourner ce dernier dialogue.
La fin a toujours été la partie sur laquelle nous avons le plus buté : ce qui confirme que lorsque ça ne marche pas au scénario, ça ne marchera pas non plus au tournage.
Au final cette réécriture de la fin ne concerne que trois répliques, mais qui donnent leur sens au film.

La musique est très présente dans le film. Est-elle pensée dès le moment de l’écriture, ou vient-elle après ?
Je sais que Thomas écrit beaucoup en écoutant ce genre de musique, qui l’inspire. Je savais qu’il écoutait ça, mais il ne m’avait pas dit à quel moment il pensait mettre de la musique. Le choix du compositeur (Flairs, ndlr) a été très important pour lui. A un moment, dans des versions précédentes du scénario, le personnage faisait lui-même de la musique, il était DJ et c’était le genre de musique qu’il faisait. Même si ça n’est plus dans l’histoire, ça a imprégné le personnage : je savais que c’était un personnage musical. Mais à quel moment du film Thomas voulait faire intervenir la musique, ça je ne le savais pas.

Propos recueillis par Gaël Martin et Benjamin Untereiner à Albi, le 21 novembre 2014. Les Combattants est disponible en DVD chez France Télévision Distribution depuis le 7 janvier 2015.

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