Le Jeu de la reine (Firebrand) : La Parr dérange

Firebrand était l’un des films les plus surprenants de la sélection lors de l’annonce : que diable est allé faire le réalisateur brésilien Karim Aïnouz dans l’adaptation britannique du roman historique Queen’s Gambit (non rien à voir avec les échecs) ? Ce genre de production s’avère souvent être des pièges pour les réalisateurs d’art et essai comme Karim Aïnouz qui ont tendance à disparaître sous le poids des costumes.

Le film retrace le destin de Catherine Parr (Alicia Vikander), dernière femme du roi Henri VIII. Alors que cette reine semble montrer de l’intérêt pour la Réforme naissante, sa relation avec le roi connu pour ne pas être particulièrement patient avec ses femmes se détériore. La reine sera en situation délicate pendant tout le film. L’écriture rend parfaitement compte de la fragilité de son statut. Elle est dépendante de sa relation à son mari et de sa capacité à pondre des petits héritiers. Au moindre faux-pas elle sera au mieux répudiée, au pire décapitée, deux sorts assez peu enviables. Symbole du patriarcat abusif et cruel, Henri VIII est une figure paradoxale : affaibli par une blessure qui lui laisse peu d’espoir, il reste un monstre de puissance et de pouvoir. Jude Law en fait certes des tonnes mais ça fonctionne et donne de l’énergie a un film qui en a besoin tant il a tendance à s’enfermer dans un certain classicisme.

Il n’y avait qu’une photo dans le dossier de presse donc je vous mets un tableau de Catherine Parr, de rien, ça me fait plaisir

On sent que Karim Aïnouz s’essaye à un difficile jeu d’équilibriste. Le film tente de d’apporter un regard moderne aux jeux de cour en mettant en relief la force de caractère de la reine face à un système qui est conçu pour la broyer. Le film s’autorise ainsi quelques libertés avec l’Histoire (dont une, majeure, qui est presque un manifeste) et semble vouloir s’éloigner de la simple reconstitution. Et pourtant, il est également particulièrement sage dans sa mise en scène. La réussite formelle du film est indéniable : les décors, les costumes, les compositions de plan créent une ambiance aussi austère que solennelle qui colle parfaitement au récit. Mais à l’image de son héroïne qui tente de renverser les carcans de son statut (et de tout le pays), il aurait été souhaitable que le film se secoue un peu de la torpeur qu’il finit par installer.

A défaut de la réinvention du film historique qu’il aurait pu être, on se contentera donc de ce joli récit sur une femme qui aura réussi à imposer ses idées alors que tout semblait se liguer contre elle. Les panneaux introductifs et finaux du film insistent d’ailleurs un peu trop sur la portée féministe d’un film qui n’avait clairement pas besoin d’être expliqué. On ne voit pas trop ce qu’il pourrait décrocher au palmarès final, mais qui sait, le jury pourrait être sensible à la qualité de l’ouvrage bien fait.

Le Jeu de la reine (Firebrand), un film de Karim Aïnouz, avec Alicia Vikander et Jude Law. Sortie en salles le 28 février 2024.

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