Annecy Festival – Jour 2 : à fond la compétition

Comment ça, on a déjà du retard dans la publication de nos comptes-rendus journaliers d’Annecy ? Comment ça, je suis déjà fatigué ? Comment ça, je modifie toujours mon programme au dernier moment ? Non, je ne vois pas du tout de quoi vous parlez. Bref, c’est aussi ça Annecy, la liberté de faire ce qu’on veut et d’improviser totalement son programme, puisque c’est toujours assez simple d’aller à tout type de séance. Et c’est aussi engloutir des litres de glaces entre des séances, parce que « putain fait chaud », comme dirait mon meme préféré de Benoît Magimel, mais surtout parce qu’on a certains des meilleurs artisans glaciers de France et de Navarre, mes enfants. Bah ouais, on est là aussi pour la bouffe.

Mais revenons-en à la principale raison pour laquelle nous sommes là : le reblochon l’animation.

On a commencé la journée de mardi en rencontrant Atsuko Ishizuka, réalisatrice de Goodbye, long métrage présenté en compétition que l’on a pu découvrir quelques jours avant le début du festival. Produit par le studio Madhouse (Okko et les fantômes) et distribué en France par Eurozoom, le film sera prochainement daté pour une sortie en salles. On y suit trois ados dans un Japon rural, accusés à tort d’avoir déclenché un feu de forêt. Ils se mettent à la recherche d’un drone dont les images pourraient les innocenter. Ce qui semble être une simple balade devient pourtant une très grande aventure, pour ces garçons qui se rendent compte que le monde est bien plus vaste qu’ils ne le pensaient ! Rendez-vous très bientôt pour découvrir notre avis sur le film et cette interview.

Charlotte : peindre sa vie dans le théâtre de l’horreur

En regardant la sélection des longs métrages présents en compétition cette année à Annecy, j’ai été très surpris de voir qu’y figurait un film retraçant l’histoire de Charlotte Salomon, peintre juive allemande dont le destin bascule à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. C’est avec le roman de David Foenkinos, récompensé du Goncourt des Lycéens et du Prix Renaudot en 2014, que j’ai découvert complètement par hasard la tragique histoire de cette artiste. Après l’avoir lu d’une traite, j’aurais aimé découvrir l’œuvre de Charlotte Salomon : Vie ou théâtre, que l’on considère comme le premier roman graphique. Une série de près de mille toiles que Salomon a peintes dans la crainte. La crainte suscitée par la guerre tout d’abord, mais aussi celle de connaître le même destin que les autres femmes de sa famille, qui semblent toutes avoir été frappées d’un même mal. J’aurais aimé l’acheter, puisque cette imposante œuvre était éditée pour la première fois en France, mais son prix tout aussi important m’en a malheureusement dissuadé.

Un projet d’adaptation du roman au cinéma avait été annoncé dans la foulée avant de tomber dans les limbes. Dans le doute, j’ai cru que ce film d’animation, également appelé Charlotte, était cette fameuse adaptation. Finalement, il n’en est rien : ce projet était en route depuis quasiment dix ans, sous l’impulsion de la productrice Julia Rosenberg. Co-produit entre la France, la Belgique et le Canada (on retrouve même les noms de Xavier Dolan et Nancy Grant à la production), Charlotte a aussi misé sur un casting cinq étoiles pour attirer le public dans les salles, autant en langue anglaise que française. Keira Knightley, Jim Broadbent, Sam Claflin, Sophie Okonedo d’un côté, Marion Cotillard, Romain Duris et Anne Dorval de l’autre (on soulignera aussi le fait que le générique du film rend honneur à l’ensemble des doubleurs et pas uniquement ses voix stars). Le projet semble aussi avoir été d’une grande importance pour Knightley, comme pour Cotillard, les deux actrices partageant également le rôle de productrice exécutive.

Et finalement, quoi de plus logique qu’un film d’animation pour rendre hommage à la vie de Charlotte Salomon ? La plus belle idée du film est de ponctuer chacun de ses actes en (re)donnant vie à ses toiles sous nos yeux. On en imagine la genèse, les coups de pinceau, dans quel ordre… Et dans le même temps, on découvre à quel point Charlotte Salomon peinait à trouver sa place en tant qu’artiste. Sa famille rêvait d’une bien meilleure carrière pour elle, sa place aux Beaux-Arts était mise en péril en raison du nazisme… Cette vie menée dans l’urgence est ce qui a fini par lui dicter le fil de son œuvre. Malgré un déroulement biographique peut-être un peu trop classique, Charlotte n’occulte jamais la violence à laquelle l’artiste a dû faire face et sous toutes ses formes.

Charlotte, réalisé par Eric Warin et Tahir Rana. Avec les voix françaises de Marion Cotillard, Romain Duris, Anne Dorval, Damien Boisseau. Avec les voix anglaises de Keira Knightley, Jim Broadbent, Sam Claflin, Sophie Okonedo. Date de sortie française encore inconnue.

Interdit aux chiens et aux Italiens : macaronis sacrés

Vu que j’ai pris masse de retard à écrire sur tout le festival, le suspens est maintenant totalement absent. Interdit aux chiens et aux Italiens s’est très vite imposé comme l’un des films à ne pas manquer de la compétition : sa présentation en grande salle de Bonlieu s’est soldée par une (très) longue ovation et toutes les autres séances étaient (paraît-il) blindax de chez blindax. Le bouche à oreille a donc parfaitement fonctionné pour Alain Ughetto, dont le retour sur la scène annécienne était très attendu neuf ans après Jasmine, lui aussi présenté en compétition officielle à l’époque.

Une longue attente qui en valait le coup, d’autant plus que pour le réalisateur, ce projet avait une signification bien plus personnelle : Ughetto explore ses origines et rend hommage à ses ancêtres italiens, qui ont quitté leur fief d’Ughettera pour refaire leur vie en France au cours du XXe siècle. Spoiler alert : le film a désormais reçu un Prix du jury et le Prix Fondation Gan à la Diffusion (on aurait bien aimé le voir gagner le Cristal, mais bon, that’s life).

Réalisé en stop-motion, le projet trouve toute sa singularité et sa logique en raison de l’attrait de la famille Ughetto pour l’artisanat. Le film installe un dialogue entre le réalisateur lui-même et Cesira, sa grand-mère disparue, à laquelle Ariane Ascaride donne sa voix. Un choix de mise en scène particulièrement émouvant puisqu’il permet à Ughetto d’interagir avec ses ancêtres – et même son père, dans sa jeunesse, tout en leur donnant à nouveau corps. Il leur vient même en aide dans l’histoire en donnant un outil, un objet dont ils ont besoin pour mener à bien leurs tâches au quotidien.

Il est très difficile de ne pas fondre pour chacun des membres de la famille Ughetto, dont chaque étape fondamentale est retracée. La naissance des sentiments entre Luigi et Cesira, la naissance de leurs enfants, la façon dont ils passent de l’enfance à l’âge adulte en un claquement de doigts… Tous les choix de mise en scène contribuent à rendre cette quasi auto-biographie drôle et profondément touchante. Et puis, tous ces garçons moustachus quand même, c’est quelque chose.

Comme son titre l’indique Interdit aux chiens et aux Italiens n’oublie pas pour autant de souligner les travers de son époque : la difficile intégration de la famille en France face à la xénophobie de certains, les insultes, le rejet et la montée du nazisme en toile de fond. Un parfait exemple de comment une histoire familiale peut s’insérer dans l’Histoire (avec son grand h). Nous, ces foutus « macaronis », on les aime de tout cœur.

Interdit aux chiens et aux Italiens, réalisé par Alain Ughetto. Avec les voix d’Alain Ughetto et Ariane Ascaride. Sortie en salles le 25 janvier 2023.

https://www.youtube.com/watch?v=HwBeJxsDo1c

About The Author

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.