Adieu les cons : Dupontel, con sacré

Meilleur film aux Césars 2021, récompensants une année pour le moins particulière pour le cinéma, Adieu les cons a fini de consacrer Albert Dupontel qui avait déjà reçu les César du meilleur scénario et de la meilleure réalisation respectivement pour 9 mois ferme et Au revoir là-haut.

Il faut bien avouer que Dupontel a réussi à imposer sa petite musique singulière dans le cinéma français. Ses films, aux allures de contes subversifs, entre mièvrerie et férocité, réconcilient généralement le public et les critiques. Adieu les cons s’inscrit dès ses premières scènes dans cette tonalité absurde et émouvante. On y fait la connaissance de Suze et JB, les deux protagonistes de l’histoire. Suze, atteinte d’une maladie grave, cherche à retrouver l’enfant qu’elle a abandonné adolescente. JB génie de l’informatique tente de mettre fin à ses jours face à l’absurdité des RH de son administration. Les deux vont se rencontrer et s’entraider.

Il est toujours plaisant de voir un artiste essayer de tordre la réalité pour mieux la révéler. Dupontel adore recréer le réel pour en exagérer les vices et en souligner les douceurs. Dans la lignée d’un Terry Gilliam à qui il rend un hommage appuyé, jusqu’à le faire apparaître dans une courte scène, Dupontel place son histoire dans un univers fictif mais proche de nous. Cela lui permet de ne pas s’embarrasser des soucis de vraisemblance de son récit. Il peut dans un accident de voiture, relier les pistes de son récit au forceps sans que cela ne choque quiconque, puisque l’on est dans un conte. Et il en profite pour railler ce système froid qui brise les êtres humains, représenté par son bras armé, la police, qui est ici une menace permanente, machine à mutiler et à tuer tout ce qui dépasse.

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On aurait donc aimé se laisser totalement embarquer dans cette fuite en avant permanente portée par un duo d’acteurs convaincant (Dupontel, évidemment et Efira). Malheureusement, il y a des choses qui coincent. En premier lieu, le film ne semble pas trop savoir que faire de son enjeu principal : la recherche du garçon de Suze. Il semble d’ailleurs bien embêté une fois le garçon trouvé et nous invente une drôle d’histoire de romance très peu intéressante. Toute la richesse inventive de Dupontel semble s’être concentrée sur des petites idées qui fourmillent et fonctionnent indépendamment mais qui peinent à former un ensemble qui se tiendrait. Sous couvert d’une frivolité assumée, le film rate régulièrement l’occasion de gagner en profondeur. Or, il tend souvent vers le sentimental et le larmoyant de manière prononcée. Son final semble ainsi court-circuité par la propre fragilité du film. On comprend l’intention de Dupontel, mais difficile de ressentir quoi que ce soit pour le destin de ces personnages qui n’ont jamais gagné en chair.

Ces problèmes dans l’équilibre de la tonalité du récit engendrent d’autres défauts. Dans sa description des romances, le film décrit ainsi un détournement de mineur au détour d’une conversation et dépeint un comportement inquiétant d’obsédé comme le plus beau des gestes romantiques. On ne demande évidemment pas un positionnement moral sans ambiguïté de tout récit, mais on peut s’attendre à un minimum de distance ou d’interrogation. Ici, tout glisse sur le vernis de la fable et le spectateur doit gober ces étranges romances comme des fantaisies parmi d’autres que se permet le récit. La frivolité frôle alors l’inquiétante vacuité.

Adieu les cons n’est pas le film le plus réussi de Dupontel. On comprend cependant l’engouement qu’il a pu susciter lors de cette bien triste année 2020. Son cinéma réussit toujours même dans ses moments les plus faibles à toucher quelque chose de singulier. On peut regretter que dans Adieu les cons, cela soit au service d’un scénario décevant. A vous de voir, si cela vous suffit.

Adieu les cons, d’Albert Dupontel avec Albert Dupontel, Virginie Efira et Nicolas Marié. Disponible sur Ciné+

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