Insidious : retour sur le train fantôme de James Wan

Si aujourd’hui les cinéphiles un peu péteux qui font semblant d’avoir lu Deleuze (donc un tiers de l’équipe Cinématraque) aiment le cinéma d’horreur artsy sophistiqué et ne jurent que par les grands noms du moment comme Ari Aster ou Jordan Peele, d’autres ont su rester plus proche de l’inventivité et la générosité de l’horreur pop-corn décomplexée, plus populaire (le deuxième tiers de l’équipe Cinématraque, le dernier tiers étant simplement composé de Mehdi qui a trop peur pour visionner ça).

Pour parler de ce renouveau du genre horrifique old school, c’est-à-dire l’utilisation d’un concept fort qui joue sur le spectaculaire et le gore, et qui se pense de manière économique autour de longues franchises aux multiples volets, on doit forcément s’attarder sur les compères James Wan et Leigh Wannell. Les deux hommes se sont rencontrés à l’université alors qu’ils avaient encore 17 ans, et ont collaboré de temps en temps à l’époque mais n’ont réellement compris qu’ils devaient absolument développer des projets ensemble qu’après leurs études. Le premier résultat est le film Saw, qui a généré un retour sur investissement assez fou pour donner envie au plus gaucho d’entre nous d’être de droite, ainsi que toute une mode du torture porn dans la production anglo-saxonne.

Souhaitant se démarquer de l’approche du gore de la saga Saw, qui aurait bien pu finir par leur coller à la peau, James Wan et Leigh Wannell se sont lancés dans un autre projet, produit par Jason Blum, un autre nom très connu de l’horreur du 21ème siècle : Insidious. Sorti en 2010, donc il y a douze ans aujourd’hui en temps réel et cinq siècles en ressenti, le film exploite des codes classiques du cinéma d’épouvante : une petite famille modèle qui emménage dans une maison qui se révèle quelque peu… hantée.

Sauf que pas vraiment. La première bonne idée du projet est de détruire l’idée d’un lieu qui soit affecté par une malédiction, pour l’ancrer directement dans les personnages : peu importe si l’on déménage, les apparitions nous suivent puisque l’un des enfants de la famille, Dalton, se retrouve connecté à un plan astral démoniaque. Dès lors autour de cette approche originale, on avance sur un terrain plutôt connu avec des séances de spiritisme, des histoires familiales pleine de lourds secrets, des chasseurs de fantômes (dont Leigh Wannell, qui joue la comédie en plus d’avoir co-signé le scénario avec Wan).

Quand tu prends la soirée jeux très au sérieux

Mais c’est la mise en scène, tout simplement, qui fait que le projet tient la route et séduit totalement. James Wan filme l’action comme un train fantôme, sa caméra n’est pas là pour servir les personnages – et c’est d’ailleurs dommage tant ils restent génériques, mais pas si grave sur ce premier volet qui fait très bien son taff – mais avant tout pour s’adresser au spectateur et jouer avec lui en permanence. Il va par exemple, offrir plusieurs plans de champ/contrechamp au personnage du père joué par Patrick Wilson (qu’il retrouvera plus tard dans The Conjuring), avant de nous retirer le contrechamp d’un coup, créant à la fois une attente, un désir de voir mais aussi une peur de ce que l’on va découvrir.

L’idée principale de sa mise en scène repose sur la révélation de ce qui est invisible : rendre matériel ce qui ne l’est pas, à savoir le monde astral démoniaque… Et conséquemment, nos peurs. Les apparitions se succèdent et vont crescendo dans le film jusqu’à la plongée littérale dans la dimension de l’effroi, qui éteint l’idée du hors champ à ce qui crée la peur la plus primaire depuis toujours : le noir. Pour toutes ces raisons, Insidious est un film d’horreur à la fois classique et original, et aussi efficace qu’un stylo bic quatre couleurs. Donc, super efficace. Un seul stylo, quatre couleurs ? Quelle idée de génie. Là c’est pareil.

Insidious, un film de James Wan, écrit par Leigh Wannell. Avec Patrick Wilson qui apparemment a été une star sur Broadway, Rose Byrne qui joue une compositrice dans le film mais qui n’a jamais été une star sur Broadway, le gosse relou d’Iron Man 3, et l’inénarrable Scream Queen Lin Shaye. Disponible sur Ciné +.

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