[Annecy 2021] Flee : nobles dessins

Ce n’est peut-être qu’une impression, mais ces dernières années semblent avoir vu l’émergence d’un nouveau genre dans l’animation : la fiction documentaire. Elle apparaît le plus souvent pour parler de sujets graves et internationaux comme la situation de migrants, ou de camps de travail… Mais dans le court-métrage, la forme est déjà bien installée et propose tous les ans en festival des œuvres radicales et fascinantes, en utilisant des voix témoins pour déployer l’animation.

L’approche sur le long format, et sur des sujets plus grave toujours, demeure bien plus délicate. Difficile de trouver les mots justes pour l’instant, de théoriser ce qui gêne le plus souvent, mais cela a à voir probablement avec la qualité relative des éléments fictionnels. Même si c’est une histoire vraie, la plupart du temps, la narration sombre trop souvent dans des clichés qui pénalisent l’authenticité du récit en jurant avec celui-ci. C’est un peu l’effet Roger Rabbit : dans un univers fait de chair et d’os, les toons font le contraste.

Flee fait partie de ces long métrages documentaire d’animation qui traitent de sujets lourds et sérieux. Après un énorme carton auprès du public de Sundance, il arrive cet été à Annecy avant de rejoindre plus tard Arte et enfin les cinémas. Un carton car justement, le film parvient à esquiver nombre des problèmes rencontrés par les œuvres du genre.

Flee naît d’une discussion entre le cinéaste et un ami à lui qui s’apprête à épouser son amoureux au Danemark. Il décide alors de lui raconter ce qu’il n’a jamais dit à personne : comment enfant il a fui l’Afghanistan avec sa famille, et a vécu l’enfer que connaissent toutes les personnes dans son cas. Trimballé d’un lieu à un autre, obligé de mentir sur ses origines, des rencontres marquantes et des frayeurs indescriptibles… Les scènes de son passé sont donc animés en 2d assez sobrement et narrées par lui, en voix off. Quelques répliques s’installent aussi dans la diégèse, mais sans trop en faire non plus. Par moments le réalisateur lui pose aussi des questions, car toute la structure découle du format de l’entretien.

C’est la sobriété de ces séquences qui permet au film d’être plus tolérable que les autres du genre. Mais surtout, le cinéaste a aussi pris le soin d’animer leur entretien, lui avec son casque et son micro, et son ami qui parle. Ces passages de discussions donnent au film une douceur, une authenticité bienvenue dans ce qui aurait pu être une narration trop formelle, trop codifiée. Le personnage dévoile ses premières pensées homosexuelles, lui qui vient d’un pays où le mot n’existe pas, sa nouvelle vie au Danemark, son premier crush sur Jean Claude Van Damme… C’est ici que l’on doit comprendre aussi le passage à l’animation comme une arme. Ou plutôt une défense, un bouclier.

Pour protéger l’identité de son ami et éviter de l’exposer à travers l’histoire, il en fait un protagoniste. Il dessine son corps et son visage pour qu’il soit métamorphosé. Aussi les possibilités physiques du médium sont exploités non seulement dans le but de rendre compte visuellement de l’histoire qu’a vécu cet homme, mais également dans le but de ne pas faire de ce récit un risque. Au contraire, il est abrité par la dépossession. Le tout est honnête, sans doute pas renversant, mais la démarche mérite d’être saluée.

Flee, un film de Jonas Pohar Rasmussen

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