[Annecy 2021] Ma mère est un gorille (et alors ?) :

Derrière ce titre digne d’un light novel japonais (courts romans illustrés connus pour leurs pitchs extravagants et titres à rallonge) se cache en réalité l’adaptation d’un livre de Frida Nilsson par la réalisatrice Linda Hambäck. C’est l’histoire de Yona, une petite fille qui grandit dans un orphelinat. Lorsqu’un bureaucrate et politicien véreux souhaite s’emparer du terrain et faire disparaître ce lieu de vie pour ces pauvres enfants afin de créer un parc aquatique et s’en mettre plein les poches, la directrice de l’orphelinat se décide à lancer des adoptions avec un public plus varié…

Et c’est comme ça que Yona se retrouve chez une maman gorille. Cela aurait pu arriver à n’importe qui ! Evidemment, la gamine n’est pas spécialement rassurée en voyant l’animal arriver dans sa vieille voiture, mais très vite elle va découvrir que la maman gorille est une personne incroyable, sensible et précieuse.

Ma mère est un gorille (et alors ?) est un donc un film résolument enfantin (car c’est son public), à la morale extrêmement simple mais on ne peut plus véritable : les gens riches et de pouvoirs sont des grosses merdes sa race. En effet la réalisatrice ne fait absolument pas le moindre effort pour humaniser le méchant de l’histoire, et ses « complices » ou semblables dans le film, à savoir les bourgeois.

Car s’il faut penser le long-métrage comme une allégorie, elle en est une de lutte des classes. En effet maman gorille travaille dans une recyclerie, et vend des objets usés pour se faire de l’argent. Ses clients sont principalement des femmes très distinguées et passablement agaçante, qui ressemble toutes aux amies de ma grand-mère à Trouville, dans leurs résidences tertiaires au bord de la plage à se plaindre des touristes et autres manants qui viennent empiéter sur leur territoire. Quant à maman gorille, sa nature sauvage est sans cesse mise en relation avec son statut social : sa petite maison, son terrain abimé, ses vêtements démodés, et bien sûr son travail. Seule Yona et ses ami..s parviennent à voir l’humanité en elle, là où elle fait défaut chez les autres. « L’homme est-il un monstre ou le monstre un homme », chantait Clopin dans le Bossu de Notre Dame.

jaune !

Si un ennemi véritable existe dans le film, c’est la recherche du profit. Ce qui est valorisé à l’inverse, c’est l’altruisme et surtout l’envie de trouver sa place dans le monde, comme en témoigne un des plus beaux moments du film : lorsque Yona arrive chez sa nouvelle maman, terrorisée et mal à l’aise, et qu’elle découvre pour la première fois sa chambre. Soit un lieu qui lui appartient entièrement, son jardin secret. Les héroïnes sont également associées, par une mise en abyme plutôt abile, à la lecture et à l’expiation par l’art : maman gorille est dingue de littérature et encourage Yona à découvrir Oliver Twist, l’histoire du plus célèbre des orphelins.

On regrettera l’animation très molle, certainement dû à un budget limité, mais le découpage est particulièrement réussi et efficace et doit marcher du tonnerre sur les enfants. Qui sont clairement la cible de ce film, mais au moins on ne le prend pas pour des imbéciles, ce qui est toujours agréable !

Ma mère est un gorille (et alors ?), un film de Linda Hambäck, en compétition au festival d’Annecy 2021

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