Elephant Films lance la collection Les Sœurs Lumières

Attention, événement ! L’éditeur vidéo Elephant Films (que nous connaissons bien depuis de nombreuses années maintenant) lance une nouvelle collection tout à fait alléchante, dont Cinématraque a l’honneur d’être partenaire.

Les Sœurs Lumières est une collection de DVDs et Blu-rays visant à mettre en avant les cinéastes importantes de l’histoire de cinéma, d’hier et d’aujourd’hui. Et comme « importantes » cela veut tout dire, précisons quelque peu : on parle ici de pionnières, de figures qui ont marqué leur époque et qui sont trop souvent oubliées des discours critiques et historiques sur le septième art.

Les éditions sont numérotées pour signifier justement un certain cheminement dans le temps ; et tout commence logiquement par Alice Guy-Blaché. Plutôt connue en France des étudiants en cinéma et de la critique, même si elle a trop longtemps été reléguée à la note de bas de page (un livre consacré à sa carrière publié dans les années 90 lui redonne ses lettres de noblesse), la réalisatrice est une des premières personnes à avoir abordé la fiction à l’aide du cinématographe quand elle travaillait pour Gaumont. Le documentaire de l’américaine Pamela B. Green intitulé Be Natural raconte ainsi l’histoire de la cinéaste tout en la confrontant à son héritage aujourd’hui ; une approche parfaite pour les néophytes mais qui risque cependant de ne pas suffire à celles et ceux qui connaissent déjà son histoire. Des entretiens en bonus sur le DVD permettent cependant d’approfondir le sujet et de mettre en appétit pour la suite…

Les choses sérieuses commencent en effet avec les numéros suivants de la collection : deux films de la réalisatrice Dorothy Arzner. Soit la raison qui nous a poussé à être partenaire de cette sortie. Adoubée depuis par les Cahiers du Cinéma et notre trésor national récemment disparu Bertrand Tavernier, Dorothy Arzner est l’une des rares femmes sous contrat à Hollywood des années 20 aux années 30. Non attendez, on va se permettre d’être encore plus précis : elle est la seule femme réalisatrice de 1927 à 1943 à Hollywood. Voilà une héritière tout à fait dans la lignée d’Alice Guy-Blaché, puisque comme elle Arzner est la « première » dans beaucoup de catégories. Première femme à réaliser un film parlant, à intégrer la guilde des réalisateurs notamment…

Il faut savoir qu’aux balbutiements du septième art, les femmes cinéastes n’étaient pas si rares. Autour d’Alice Guy-Blaché, il y avait un nombre conséquent de travailleuses – à New York notamment. Ce n’est que lorsque les requins cupides (et soyons clairs, on ne parle pas de vrais requins, qui eux sont tous très généreux) du début du 20ème siècle ont compris qu’il y avait de l’argent à se faire dans le cinéma que les femmes ont progressivement été écarté des postes importants de l’industrie. La présence de Dorothy Arzner aux milieux des étoiles de l’âge d’or de Hollywood n’en est que plus surprenante à ce titre : elle se fait un trou dans le milieu à un moment où les femmes ne sont vraiment pas les bienvenues.

Le premier contact avec le glamour et les paillettes du beau monde hollywoodien de Dorothy Arzner se fait lorsqu’elle est très jeune ; née en 1897 en Californie, elle voit de nombreuses stars passer dans le restaurant que possède son père. Elle rejoint l’industrie quand cette dernière a besoin de main d’œuvre, juste après la guerre, et décide de devenir réalisatrice en voyant Cecil B. DeMille à l’œuvre sur un plateau. D’abord secrétaire, puis script et ensuite monteuse, elle tourne des reshoots en 1922 pour la Paramount et finit par faire pression sur le studio pour qu’on lui confie un film à réaliser. Et ça fonctionne. Et en plus le film (Fashions for Women, en 1927), fonctionne bien au box office.

Les deux films de la collection Les Sœurs Lumières, Honor Among Lovers et Merrily We Go To Hell, ont été réalisé par Arzner durant la période la plus libérée de l’âge d’or de Hollywood, les années pré-Code. Ses films sont audacieux, modernes et surprenant. Elle quittera ensuite Hollywood en 1943, du fait du sexisme et de l’homophobie ambiante selon certains historiens. Ah oui parce que je vous ai pas dit mais c’était une giga lesbienne ! Des rumeurs l’associe à Joan Crawford et Katharine Hepburn, même si elle a longtemps vécu avec la chorégraphe Marion Morgan. Elle continua tout de même à réaliser, notamment des films de propagande durant la guerre, et finit par enseigner à UCLA. Découvrir son œuvre, largement méconnue encore aujourd’hui, est une opportunité à ne pas manquer.

La suite de la collection effectuera un saut conséquent dans le temps puisque sortirons en septembre puis octobre un film de Penny Allen, Property, puis le Old Joy de Kelly Reichardt. Des cinémas très différents de celui de leurs prédécesseurs (mon correcteur me dit que prédécesseuse n’existe pas? Bah voyons.), puisque l’on s’engage cette fois sur le terrain de l’indépendant… Mais les thématiques et l’œil singulier des réalisatrices font le lien avec les autres œuvres éditées chez Elephant Films.

La collection Les Soeurs Lumières, en DVD et combo Bluray-DVD chez Elephant Films.

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