Little Zombies : Orphelins dans la poudrière

Le cinéaste japonais Makoto Nagisha s’est d’abord fait remarquer en 2017 à Sundance avec son court métrage And so we put Goldfish in the pool, qui remporta à l’occasion le Prix spécial du jury. Son premier long-métrage devait sortir sur les grands écrans en novembre, mais ce sera finalement lors de la grande ré-ouverture de fin d’année 2020 que l’on pourra découvrir Little Zombies. Histoire de terminer une année bien pourrave sa mère en voyant un film qui s’efforce de sublimer le malheur des humains que nous sommes.

Little Zombies met en scène quatre enfants/ados qui se rencontrent lors des cérémonies funéraires de leurs parents respectifs. Face à la solitude qui guette, au basculement de leurs vies et surtout à une société foncièrement inhumaine qui n’hésite pas à traiter le deuil comme une marchandise quelconque, ces gamins s’unissent et forment un groupe de musique. A travers un tube de rock explosif qui fait sensation, ils vont mettre en scène leur deuil comme ils l’entendent… Mais surtout comme l’entend un réalisateur bien allumé du bulbe.

Si nous étions un site qui abuse de phrases bateaux, on pourrait dire que Nagisha est un cinéaste « avec un univers à soi », ce qui est bien mignon mais ne veut rien dire si on creuse le propos. Restons donc à ce qui est visible et plus direct : Little Zombies est un film déjanté. Esthétiquement parlant en premier lieu : le gamin principal Hikari (Keita Ninoyima) est sans cesse plongé dans une vieille Game Boy, et les visuels découlent de cette atmosphère rétro-gaming. L’image est ultra stylisée, le cadre travaillé (l’intégralité des plans a été pensé à l’avance sur des storyboards très complets) et les couleurs acidulés jusqu’à l’abus ; une manière pour lui et ses nouveaux camarades de camoufler la froideur et surtout le cynisme du monde qui les entoure.

En effet si Little Zombies s’aventure – formellement – dans l’irréel et le fantasme, il est en soi plaqué sur le réel et n’y échappe jamais réellement. Car au fond, ce film n’est que la présentation d’un deuil rendu impossible par la cruauté d’un univers capitaliste dépourvu de bon sens. Sans jamais tomber dans la cruauté, Nagisha dépeint justement cette dernière dans toutes les strates de la société japonaise, qui semble se nourrir sans vergogne de tout ce qu’il peut y avoir de sincère dans ces pauvres enfants. Cela commence même avant les enterrements avec la cause de la mort des parents (que nous ne divulgâcherons pas ici), puis continue avec les services funèbres qui sont présentés comme les presque-pire rapaces.

Les pires, justement, sont ceux qui tentent de s’emparer de la musique créée par les héros sur leur tristesse pour en faire un business. Little Zombies semble ainsi prendre le parti, schématique mais trop souvent vrai, d’un monde adulte froid et calculateur opposé à l’enfance consciente des injustices du monde. Et si Nagisha n’est pas à l’abri de quelques erreurs communes aux premiers longs-métrages (confusion de la narration, longueurs sur le premier acte), il réussit toutefois à proposer une oeuvre qui ne ressemble à aucune autre dans le paysage du moment. Il faut bien ça pour nous ramener sur le chemin des salles obscures.

Little Zombies, de Makoto Nagisha, sortie en salles le 16 décembre 2020.

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