Calamity : une enfance romancée et rocambolesque de Martha Jane Cannary

Non : le COVID n’aura pas raison du cinéma d’animation dans les salles françaises ! Nous sommes plutôt bien lotis depuis la sortie de Lupin III : The First le 7 octobre dernier (et on vous en parle ici, en plus de féliciter à nouveau Eurozoom de distribuer le film), puisque Les Trolls 2 : Tournée mondiale et Calamity : une enfance de Martha Jane Cannary se sont tous deux ajoutés au planning des sorties du 14 octobre. Si Renaud vous disait à quel point la suite des Trolls est le film le plus important de l’histoire du cinéma (et il a raison, c’est quand même assez fou de faire une suite mille fois meilleure qu’un premier opus lorsque littéralement personne ne l’attendait), Calamity a lui aussi une très belle réputation à défendre… puisqu’il a décroché le Cristal du meilleur film d’animation lors de la dernière édition hybride du Festival d’Annecy !

Nous n’avions pas eu la chance de le découvrir en ligne à ce moment-là, droits obligent, et c’est donc au Festival du cinéma américain de Deauville qu’il s’est dévoilé, dans le cadre des trois séances « jeune public » réservées à la programmation d’Annecy. L’occasion de pousser un petit coup de gueule sur la gestion de ces séances par l’équipe du festival, légère ombre au tableau d’une édition de tous les possibles (une compétition foisonnante, des films cannois inégaux mais cannois !) malgré l’impossible (le COVID, vous vous rappelez ?). Pas assez mise en avant, l’implication du Festival d’Annecy dans la programmation a été éclipsée dans les discours d’ouverture au profit de Cannes, jusqu’à ce que notre ministre de la Culture Roselyne Bachelot le nomme… contrairement à Bruno Barde, qui dirige le festival. Malgré la présence de Mickaël Marin, directeur du Festival d’Annecy, venu présenter Calamity lors du dernier week-end, ces trois séances (Calamity, Petit vampire et Lupin III) n’ont malheureusement pas assez été mises en avant. Et puisqu’on doit le rappeler : non, l’animation ne se destine pas qu’au jeune public !

Au cas où vous avez besoin d’explications : c’est super beau !

Mais revenons-en à Calamity, vous le voulez bien ? On ne la présente plus, Calamity Jane. Une exploratrice bien réelle devenue figure mythique de la culture américaine et de sa Conquête de l’Ouest, si bien que l’on ne parvenait plus à distinguer la réalité de la fiction à la fin de sa vie. Transcendée dans le Wild West Show, elle a aussi été incarnée à plusieurs reprises au cinéma : par Jean Arthur chez Cecil B. DeMille, Yvonne De Carlo pour George Sherman, ou encore en chanson par Doris Day chez David Butler.

(Ou par Sylvie Testud dans le Lucky Luke de James Huth. Parce que: chacun a ses références.)

Pour Rémi Chayé, déjà multi-récompensé pour son premier long métrage Tout en haut du monde, le challenge était de taille : éviter la redite et adopter le personnage de Calamity Jane sous un autre angle. Du coup… pourquoi pas son enfance ? Quand Calamity Jane n’était encore « que » Martha Jane Cannary ? C’est en 1863 que l’on retrouve la jeune fille en route vers l’Ouest avec son père, son petit frère et sa petite sœur (quelque temps après la perte de sa mère). Le chef de famille se blesse, Martha Jane doit reprendre la tête du chariot familial et continuer de suivre le rythme du convoi. Mais le fait qu’une petite fille prenne les rênes est loin de laisser indifférents les autres membres de la communauté…

Sympa ce premier date !

En à peine une heure et vingt minutes, Rémi Chayé nous donne un très bel aperçu de ce qu’est – ou ce que va devenir – le personnage mythique de Calamity Jane. Il définit son film comme « un western à hauteur d’enfant », et on ne saurait trouver formule plus adéquate pour le désigner. Accusée d’un vol qu’elle n’a pas commis, Martha Jane abandonne les siens et se lance dans un incroyable périple pour retrouver le fautif. Pourrait-on trouver plus « westernien » qu’un personnage supposé laver son honneur ? Dès les premières minutes, on comprend que Martha Jane met les pieds dans un monde d’hommes, tant il semble inconcevable pour la majorité de ses compagnons de voyage qu’une petite fille puisse manier une carriole et ses chevaux. D’où la nécessité pour elle, sur son chemin, de se faire passer pour un garçon, et de faire tomber les robes pour un pantalon. Un changement vestimentaire qui n’est pas qu’une obligation pour Martha Jane mais aussi – et surtout – une question de goût : elle exprime à plusieurs reprises sa préférence pour ces vêtements et son désir de s’habiller comme elle le souhaite, en faisant fi des conventions.

Rémi Chayé se réapproprie le mythe de Calamity Jane, bien décidé à ne pas s’engouffrer dans les clichés et à offrir à toutes les petites filles un impressionnant modèle prête à tout pour parvenir à ses fins… et aux petits garçons un bon lot de conseils sur la manière dont il est nécessaire de se comporter en société (parce que oui, des garçons en prennent aussi pour leur grade, et ils l’ont plutôt bien mérité). En cela, la rencontre entre Martha Jane et Madame Moustache (doublée par Alexandra Lamy) est déterminante : la petite fille rencontre une femme accomplie, proche de la trentaine qui, après des études de géologie, est devenue chercheuse d’or. Si elle est presque ruinée au moment où elles apprennent à se connaître, Madame Moustache apparaît du moins à l’enfant comme une preuve, s’il en est, qu’elle peut elle aussi devenir ce qu’elle veut…

Ce n’est pour Martha Jane que le début de son émancipation, puisqu’elle se lance seule à la découverte des grands espaces. C’est là aussi que Calamity embrasse pleinement le genre du western : en sublimant ses paysages à travers de nombreux plans larges (carrément en format CinemaScope !), dans lesquels les personnages nous semblent – bien souvent – infiniment petits. Il est bien difficile de ne pas se laisser convaincre par la proposition esthétique de Rémi Chayé et son équipe : malgré une apparente simplicité graphique, l’importance accordée aux couleurs et aux lumières rend l’ensemble profondément envoutant. Et en multipliant les moments de bravoure, notamment lors d’une scène de course-poursuite entre Martha Jane, son ami Jonas et la police, on aurait presque l’impression de retrouver la vivacité du plan-séquence du Tintin de Spielberg ! Oui, rien que ça. Bref : Calamity est loin d’être une calamité, alors rendez-vous en salle et laissez-vous transporter !

Calamity : une enfance de Martha Jane Cannary, de Rémi Chayé. Avec les voix de Salomé Boulven, Alexandra Jamy, Alexis Tomassian, Damien Witecka… Sortie française le 14 octobre 2020.

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