Rencontre dans la cour des Grands d’OCS : « Dès ses débuts je voulais filmer une célébration de la beauté de la jeunesse »

Alors que la saison 3 vient refermer l’aventure Les Grands, l’équipe de la série adolescente d’OCS, remarquable réussite de la création made in France, s’était arrêtée à Lille lors du dernier Séries Mania pour donner des nouvelles. Rencontre avec le showrunner Vianney Lebasque et les acteurs Adèle Wismes (Marie-Joséphine alias MJ), Pauline Serieys (Avril), Romane Lucas (Kenza) et Sami Outabali (Ilyes).

La saison 2 des Grands est arrivée en octobre 2017, moins d’un an après la première. La saison 3, elle, arrive finalement deux ans plus tard. Vous vous attendiez à ce délai lorsque le tournage de la saison 2 s’est terminé et aviez-vous prévu de l’inclure dans l’écriture de la saison 3 ?

Vianney Lebasque : C’était uniquement une question de planning. [Lebasque a réalisé entre temps son deuxième long-métrage, Chacun pour tous, sorti en octobre dernier] Ça tombe bien car on avait prévu une ellipse dans l’histoire, il fallait que les acteurs grandissent un peu…

Il faut donc comprendre que la saison 3 va être celle du passage du bac pour tout ce petit monde.

Pauline Serieys : Exactement, c’est la fin du lycée !

Qui dit fin du lycée dit donc fin de l’aventure des Grands. Aviez-vous prévu de terminer la série sur cette saison 3, ou est-ce que vous avez déjà fait des plans sur une éventuelle saison 4, même si elle ne viendra jamais ?

VL : Quand on a commencé la série, on ne savait même pas si on allait avoir droit à une saison 2. C’est dans la manière de faire d’OCS de se limiter à trois saisons [l’autre comédie originale de la chaîne, Irresponsable, s’arrêtera aussi cette année avec sa saison 3]. On a appris qu’il y aurait une saison 3 – et que ce serait la dernière – à la fin du tournage de la deuxième. On l’a toujours écrite comme une dernière saison.

Adèle Wismes : Et c’est bien que ça se termine sur l’année de terminale, sur la fin de l’école.

https://www.youtube.com/watch?v=4R9hPr4x8xw

La saison 2 marquait une étape pour la maturité des Grands avec le passage du collège au lycée, et en point d’orgue un voyage mouvementé à Amsterdam. Comment avez-vous abordé cette saison 3 en termes de défis narratifs ?

VL : Pour cette saison 3, on a choisi de quitter progressivement les décors de la série et de sortir plus régulièrement de l’école. On voulait voir les personnages dans leurs lieux de vie, dans leur intimité, créer une vie de groupe extérieure au lycée. Tout ça amène une multiplication des décors, ce qui, dans l’économie d’une série comme Les Grands, revient à faire presque une nouvelle série. Et on termine encore cette année sur un voyage.

En rattrapant quelques interviews, j’ai lu que vous aviez prévu un long plan-séquence final pour clore la série…

VL : Il y aura un plan séquence, mais pas dans le final. Ce sera dans l’épisode de la fête post-bac juste avant. L’épisode final durera 1h06, et se passe entièrement à la mer.

La série a permis d’introduire dans la fiction ado française, particulièrement dans la saison 2, des situations allant parfois très loin dans la représentation. Comment place-t-on le curseur pour que le rendu à l’écran soit juste, sans pour autant verser dans le sensationnalisme ?

PS : Tu veux peut-être commencer par la phase d’écriture ?

VL : Pour l’écriture des Grands c’est simple : plus une séquence est compliquée plus ça nous donne envie de la tourner. On a beau écrire autant qu’on veut, la justesse on la trouve sur le plateau avec les acteurs. À chaque scène, on cherche, on joue entre nous ; et c’est quand on trouve que la scène existe, qu’elle est réaliste, qu’on la tourne. C’est davantage la caméra qui vient choper ce qu’on cherche lors des répétitions que l’inverse.

AW : Vianney nous laisse énormément de libertés, que ce soit pour le texte ou le jeu. Il nous laisse toujours faire vivre nos personnages à notre façon.

PS : On travaille pareil sur chaque scène, des plus délicates comme celles à Amsterdam (le final de la saison 2) ou celles entre Ilyes et sa mère, à celles qui sont plus du quotidien. On n’est pas à là à se dire « Ah là attention, c’est une grosse scène ». On aborde chaque scène avec la méthode de travail.

Sami Outabali : Tout vient de la lecture, on essaie d’être toujours au plus près du texte pour comprendre les intentions derrière nos personnages. Après, ça vient tout seul.

VL : On commence toujours par mettre la scène en place naturellement, sans aucune caméra autour. C’est comme ça qu’on construit de la manière la plus efficace, avec les apports de chacun.

Cette méthode-là, vous l’avez mise en place dès les castings ? Ça a été déterminant pour choisir les acteurs idéaux pour ces rôles ?

VL : C’est ce qui est génial avec la série : non seulement les acteurs connaissent parfaitement leurs personnages mais ils évoluent avec eux. Sur le tournage de la saison 3 ça s’est senti : ils étaient encore plus partie prenante de leurs personnages et de leurs réactions. En saison 1, tout le monde se rencontre et s’apprivoise.

Pour le spectateur non averti, Les Grands peut passer de prime abord pour une « simple » comédie adolescente alors qu’elle aborde des sujets délicats et des traumas profonds. Qu’est-ce qui chez vous, les acteurs, vous plaît ou vous challenge le plus chez ces personnages ?

AW : Je crois avant tout que c’est se confronter à des choses que l’on n’a personnellement pas vécues.

PS : Et l’idée de suivre leurs aventures sur le temps long. Une saison mise bout à bout dure trois heures, et on en a fait trois. Avoir un personnage qu’on suit pendant trois ans de manière très différentes parce qu’il est à un âge où tout évolue très vite…

SO : … Ca permet d’arriver à un niveau de proximité avec le personnage qui est assez dingue. Un film ne permet pas d’avoir ce temps, cette durée de travail. On a passé quatre ans avec eux. Sur le tournage de la saison 3, on le sentait bien, on repartait parfois avec eux.

Plus que toute autre fiction française du genre, Les Grands aborde l’adolescence comme une période d’éveil sensoriel, notamment à travers la mise en scène et de la bande-son. Comment menez-vous ce travail particulier ?

VL : Ma source d’inspiration c’est avant tout eux ! Plus sérieusement, dès ses débuts je voulais que Les Grands soit une célébration de la beauté de la jeunesse. Je voulais avec mon regard que l’image et la mise en scène aient une approche sensorielle, mais c’est autant le cas de leurs visages, leurs expressions et les histoires qu’on raconte. Ce qu’il y a de plus générationnel dans la série, c’est qu’à l’heure d’Instagram, l’étiquette sociale et ce qu’on revendique en terme d’image dans la société a pris une place cruciale. Et c’est impossible d’aborder une série sur l’adolescence de cette génération sans prendre ça en compte. Et puis bon, ça reste plus cool de pouvoir faire des belles images de belles personnes sur de la belle musique, c’est vrai.

À l’inverse, il y a aussi dans le style de la série, y compris dans l’esthétique quelque chose d’assez intemporel, au point qu’on se demande quand véritablement se déroule la série…

PS : Et à quel endroit aussi !

VL : Je n’ai jamais eu dans l’idée de créer une série d’adolescents uniquement pour les adolescents. Je voulais avant tout faire une série sur l’adolescence, et sur bien des points les problématiques de cette période sont les mêmes qu’il y a vingt ans, quarante ans… Le monde change, les moyens de communication changent, mais le reste reste le même. On a pas mal travaillé sur des inspirations aussi bien des années 2000 que 2010 pour ne pas que tout soit trop « marqué » aujourd’hui, histoire que ça vieillisse assez bien.

PS : La série plaît aussi bien à ma petite sœur qui a douze ans qu’à des adultes qui m’ont dit que ça leur rappelait des trucs de leur propre adolescence.

SO : Ca permet aussi de se concentrer davantage sur les histoires de chaque personnage…

VL : Et on a choisi très vite de s’orienter dans cette direction. Dans la saison 2, on a voulu faire en sorte que tout ce qui est portables, réseaux sociaux, etc. existent mais ne soient pas des sujets. Pour moi c’est un non-sujet d’adolescence. C’est un sujet de société évidemment, mais ce n’est pas un sujet spécifique aux adolescents.

Les Grands sont arrivés dans une période de renouveau de la fiction adolescente française à laquelle la série a grandement contribué. Que ce soit au cinéma (Le Nouveau de Rudi Rosenberg) ou à la télévision (l’adaptation française de Skam), le genre s’est émancipé et il y a désormais plus de places pour ces œuvres qui se posent plus comme fictions adolescentes que comme fictions pour adolescents. Qu’est-ce qui explique selon ce décloisonnement ?

SO : Je pense que ça vient déjà de l’idée que le regard comique et ironique de la série ne se porte pas uniquement sur les adolescents mais aussi sur les adultes, comme si chacun était sur le même plan.

PS : J’ai grandi avec certaines séries et certains programmes courts qui donnaient davantage l’impression de rire des adolescents plutôt qu’avec eux. Ce regard bienveillant des Grands, c’est le plus important à mon avis.

VL : Il n’y a aucun regard de jugement sur les personnages, on fait très attention à ça. Avec ce genre de séries, on veut aussi apprendre aux gens à prendre les émotions des adolescents au sérieux. OCS nous a laissé une liberté de ton totale, et on a pris toute cette liberté pour faire vraiment ce que l’on souhaitait, sans barrière.

Qu’est-ce qu’on peut espérer pour l’avenir ? Un revival des Grands dans vingt ans, quand ils seront tous trentenaires ?

VL : Si on les renvoie à la mer dans vingt ans, ça ressemblera plus aux Vacances de l’amour qu’à autre chose.

AW : Si on est encore en vie…

VL : Non, c’est la dernière saison, Les Grands c’est terminé. Des choses inspirées des Grands pourquoi pas parce que j’adorerai qu’on retravaille ensemble…

AW : On est un peu comme le Splendid quoi !

Les Grands saison 3, 10×22 minutes, diffusion dès le 31 octobre sur OCS.

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