Abominable : Yéti, téléphone maison

En Chine, la jeune ado Yi n’arrive plus à passer du temps avec sa famille depuis la mort de son père. Alors qu’elle s’isole sur le toit de son immeuble pour jouer du violon, elle tombe nez à truffe avec un yéti ! Avec ses amis Jin et Peng, Yi va tenter de le ramener dans son habitat naturel sans qu’il se fasse capturer par le méchant capitaliste qui veut l’exploiter pour des raisons… Capitalistes.

Depuis sa création, la section animation de DreamWorks connaît une existence pour le moins rocambolesque. A ses débuts, elle avait été pensé comme une poule aux œufs d’or, pour rattraper les prises de risques énormes de films comme Gladiator. Malheureusement, malgré la qualité de certaines de ses productions (Le Prince d’Egypte notamment), la poule s’est trouvée plutôt constipée. Et même si Shrek a permis au studio de relever la barre, il a annoncé être « dans la grosse merde » juste après la sortie de Dragons 2. A l’époque, le projet était de terminer Dragons 3 et Kung Fu Panda 3, puis de laisser faire le destin…

Entre temps, Universal en a profité pour racheter Dreamworks Animation (ils sont passé un temps par la Fox, enfin c’est un bordel sans nom et cet article n’a pas du tout l’ambition de réussir à synthétiser tout le chaos que connaît cette boîte), et son premier projet original s’appelle Abominable. Attention, rien à voir avec le Yéti et Compagnie, projet affreux sorti plus tôt cette année, qui avait été créé par Sergio Pablos avant d’être massacré par les studios.

« Abominable n’est pas abominable » un critique à l’humour douteux

Disons-le tout de suite, Abominable ne va pas non plus casser trois pattes à un canard. Mais après tout, vu le message du film, mieux vaut le laisser tranquille ce pauvre canard…. Le long métrage d’animation est une aventure sympathique qui sait réussir dès qu’il plonge dans les tourments de Yi vis à vis de la mort de son père, et dans les relations humaines des personnages. Abominable excelle également dans ce qui devrait être, après le succès de ce genre de séquences dans la trilogie Dragons de Dean Deblois, la marque de fabrique du studio Dreamworks : les longues scènes sans paroles, guidées par la musique. Il y a peu de choses plus gratifiantes dans le cinéma d’animation que de laisser le dessin chanter son propre langage ; aussi toutes les scènes où Yi utilise son violon sont bien les meilleures du film.

Nous vous en avions déjà parlé lors de notre pèlerinage annuel à Annecy, mais la production d’Abominable est finalement plus intéressante que le film en lui-même. Il faut d’abord savoir que DreamWorks Animation avait autrefois une compagnie en Chine, nommée Pearl. Suite aux chamboulements dans le fonctionnement du studio américain, Pearl est devenu indépendant… Ce qui fait de Abominable une immense co-production sino-américaine dans le domaine de l’animation !

L’animation, bien que quelques animateurs viennent de chez Pearl, a été majoritairement réalisé aux Etats-Unis, mais au niveau de la production, les deux compagnies se sont retrouvés bras dessus bras dessous. Tant et si bien que l’on a vraiment le sentiment de voir un film qui a été pensé intelligemment pour un public chinois !

Si Toothless était modelé sur un chat, le Yéti est quant à lui plus proche du chien. Et DreamWorks ressemble plus à Fantastic Beasts que les films de la saga Fantastic Beasts.

Le mot clé étant intelligemment, car certains et certaines se souviennent tout à fait de l’enfer infernal du Styx qu’était La Grande Muraille. Cela se voit dans le travail sur les paysages de nature, les villes, le choix du casting (que des ados d’origines chinoises, et Chloe Bennet dans le rôle principal, puisque l’actrice est à mi-chemin entre bankable et représentation de la communauté), mais cela se voit surtout dans les archétypes des personnages, qui font davantage penser à un drama chinois qu’à ce que l’on trouve habituellement dans le cinéma d’animation américain. Aussi a-t-on souvent l’impression de regarder un film qui n’a pas été pensé pour nous, public occidental… Et c’est curieusement agréable.

Même si cela veut dire que, malgré la présence du yéti au coeur de l’intrigue du film, on ne nous parle jamais du Tibet. Parce que pour le public chinois, y a pas de Tibet.*

*d’ailleurs depuis que nous avons écrit cet article, de nombreux pays d’Asie ont refusé de sortir le film sous prétexte que la carte du continent présentée est un bon gros exemple de propagande chinoise mensongère…

Abominable, un film de Jill Culton, avec Chloe Bennet, Albert Tsai et Sarah Paulson.

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