So Long, My Son : l’enfantôme

Yaojun sort un petit cadre de son manteau et le pose, sans rien dire, sur le piano abandonné. Toute la salle de cinéma est alors émue aux larmes. C’est le tour de force de Wang Xiaoshuai de réussir à nous cueillir tout en douceur après nous avoir progressivement accueilli dans cette famille chinoise dont il dresse le portrait sur 40 ans.

So Long, My Son est un film doux et tendre dont la puissance emporte tout. Les trois heures du film sont pleinement justifiées tant elles sont nécessaires pour développer l’intrigue dans son ampleur intimiste. L’histoire du couple formé par Yaojun et Liyun est raconté par petites touches, qui finissent par dessiner un tableau poignant. Le dispositif narratif, mélangeant les époques, retrace très habilement les traumatismes successifs de leur famille et de leurs amis. Ce jeu chronologique ne paraît jamais artificiel tant il sert le propos du film et permet aux émotions d’éclore lentement. On peut souligner le travail de l’équipe du maquillage : les acteurs sont crédibles à chacun de leur âge, et leurs traits évoluent suffisamment pour comprendre rapidement à quelle époque on se situe sans qu’il n’y ait besoin d’afficher une date en gros caractères entre chaque plan.

Une des nombreuses scènes bouleversantes du film

Le film s’ouvre sur le traumatisme originel du groupe d’amis. Un traumatisme dont on suivra les ricochets sur le destin de chaque individu. Au drame intimiste, s’ajoute une réflexion sans compromis sur la société chinoise, et notamment sur la politique de l’enfant unique. Car c’est l’amour filial qui est au coeur de So Long, My Son. Ce désir d’enfant, dans une société contrainte, fera le malheur du couple à de nombreuses reprises. Le cinéaste filme ces cicatrices laissées sur les personnages, usés par le temps et par la cruauté du destin. En brisant la continuité chronologique, il rapproche les causes des conséquences, et renforce l’absurdité de ce passé immuable. Wang Xiaoshuai ne filme cependant pas une tragédie grecque. La douleur est toujours proche de l’espoir, le deuil cohabite avec la fête et la perte des êtres chers ne distord jamais totalement le lien entre ceux qui restent.

Le duo d’acteurs, Wang Jingchun et Yong Mei, récompensés à Berlin, transmet avec une justesse épatante le flots d’émotions qui emportent les personnages à travers le temps. Servis par une mise en scène sobre et intelligente, ils arrivent à ne pas tomber dans les excès du mélodrame et donnent à la tristesse sa plus belle expression.

Difficile de se remettre totalement du film ; même quelques jours après son visionnage. Je ne vous ferai pas l’injure de vous dire qu’on ne sort pas indemme de So Long, My Son, mais il est certain que le film creuse au plus profond de nos émotions et s’y installe durablement. Un des films de l’année, assurément.

So Long, My Son de Wang Wiaoshuai, avec Wang Jingchun et Yong Mei Sortie le 3 juillet 2019.

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1 thought on “So Long, My Son : l’enfantôme

  1. Bonjour,
    nous avons vu le film hier soir et avons eu à la sortie un petit débat sur la compréhension de la fin du film. La question est : Yaojun est il le père de Sunny, le fils de Moli ? Pour moi cela semble clair mais pour mes amis c’est plutôt le garçon adolescent (dont je ne retrouve pas le nom) qui vit avec Yaojun et Lijun dans le village de pêcheurs et qui fuguent avec ses amis qui serait le fils caché de Yaojun et de Moli.
    Quelle est la bonne interprétation ?
    Merci de votre aide

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