Tenzo : Sayan super crew

Tenzo Cannes 2019

Depuis la naissance de Cinématraque s’il y a bien un cinéaste japonais qui nous passionne, c’est Katsuya Tomita. Ce franc tireur, provenant du milieu ouvrier japonais, qui a financé son premier film avec son travail de camionneur, et qui a repris la route pour terminer Saudade. Ses origines sociales et la fidélité à sa classe (il lui arrive d’aller aider ses potes, toujours ouvriers, sur des chantiers) nous l’ont rendu sympathique. Son amour du hip-hop a décuplé notre intérêt pour le bonhomme. Sans être spécialiste du rap nippon, les morceaux qui accompagnent Saudade, ainsi que la musique additionnelle de Bangkok Night qui intégrait du rap laosien donnaient à l’ensemble une énergie communicative. On a pu le croiser à l’occasion d’une projection de ce dernier film à la cinémathèque française et l’on a pu constater que cette énergie était également bourrée d’humour. D’une certaine façon il correspond bien a une certaine idée du cinéma que l’on aime à défendre dans nos colonnes et qui le rapproche de Michel Gondry. Deux cinéastes bidouilleurs et mélomanes, cherchant à inscrire leur œuvres dans un cinéma populaire, en se montrant très doué dans l’art du cadrage et des plans séquences.

Tenzo Cannes 2019

Après avoir traité des migrants brésiliens d’origine japonaise dans les quartiers populaires de Tokyo, des rapports marchands entre touristes japonais et prostituées en Thaïlande, Tomita revient avec un nouveau film à première veu très différents de ces précédents longs métrages. D’ailleurs il est présenté dans la section court de la Semaine de la Critique et il s’agit en effet de son film le plus court, 60 minutes. C’est un documentaire également, ce qui ne surprend pas outre mesure. C’est cependant dans sa mise en scène qu’il prend le pari documentaire à contre courant ; Tenzo porte le regard du cinéaste sur le rapport entre deux bonzes, devenu amis lors de leurs apprentissages dans la foi qui se voient mis à l’épreuve par les conséquences de la double catastrophe de Fukushima. La destruction des habitations et d’un temple bouddhiste par le tsunami et l’explosion, due à des négligences humaines, de la centrale nucléaire de Fukushima. Là où l’on aurait pu s’attendre à un documentaire austère et émotionnellement pesant, Tomita nous offre une œuvre généreuse parfois à la lisière de la fiction. Le tempérament de ses personnages appuie ces choix artistiques, avec Chiken et Ryugo on a affaire à des moines bouddhistes modernes et connectés. Chiken s’implique dans un dispositif téléphonique de prévention du suicide et tente d’aider ses concitoyens à sortir de l’impasse. Ryugo, plus renfermé tente de son côté de se reconstruire après la destruction de son temple et se met au service du déblaiement de la région.

Tenzo Cannes 2019

En plus de souligner les caractères différents mais complémentaire des deux moines, Tomita tente d’employer dans le documentaire certain effet de la fiction, en faisant appel au flash back et même à l’animation à la fin. Surtout, son film est toujours sous l’influence de la culture hip-hop autant dans sa façon de mettre en scène les rites bouddhiste (où l’on pense aux clips du Wu Tang Clan) ou bien en gardant au montage une séquence illustré par le son rap sortant d’une radio locale. Et là encore on pense à Michel Gondry dans cette façon de faire d’une œuvre quelque chose d’impure, où animation et image documentaire se mêlent (Conversation avec Noam Chomsky) ou fiction et réalité se confondent (Une épine dans le cœur) et qui va piocher dans la liberté formelle offerte par les vidéos clips pour donner une autre ampleur au réel (The we and the I)

Tenzo de Katsuya Tomita (Documentaire)

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