On va tout péter ! ( Gilet jaune eh )

Mythique compagnon du mouvement punk et proche autant des Sex Pistols, de Johnny Thunders que de Dee Dee Ramones dont il a filmé les affres dans les documentaires DOA, Unfinished 82 et Hey! Is Dee Dee Home? Lech Kovalski est aussi connu pour avoir porté son regard sur les déclassés des quartiers de New York. Depuis 1999, le cinéaste américain s’est installé en France et continue de réaliser des documentaires et autres films undergrounds.

On va tout péter, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs signe son grand retour sous les sunlights. Fidèle a son esprit punk, Kowalski avait déjà présenté des bribes de son documentaire sur les ouvriers en lutte de GM&S entre autres au Festival « Rebel, Rebel » de Saint Denis en région parisienne. Pour vous donner une idée du bonhomme, il avait invité des ouvriers de la boite, ainsi que les cadres de l’entreprise. Ces derniers avaient courageusement refusé de venir. Kowalski a eu alors la très bonne idée de débaucher des acteurs et leur a demandé de jouer le rôle des cadres de l’entreprise et ainsi pouvoir mettre en scène ce nécessaire débat.

Qu’a-t-elle de particulier la lutte de ces ouvriers dans un pays, la France, dont on nous dit qu’elle passe son temps à faire grève et à gueuler ? Une menace, à la mesure du désespoir et de la colère de travailleurs ayant fait vivre une industrie qui a engraissé des grands patrons, des actionnaires et permis aux politiques un avenir professionnel à leurs électeurs. Cette menace trône au milieu du terrain où se trouve l’Usine de la Souterraine : l’énorme bonbonne génératrice d’air compressé relayé à une petite dizaine de bouteilles de gaz. Sur la bonbonne une inscription au marqueur « On va tout péter ! ».

Les ouvriers de GM&S poursuivent ainsi les mêmes méthodes de lutte qui se sont fait connaître tout au long des années 2000. On retiendra les ouvriers de Cellatex qui en juillet 2000 ont menacé faire péter 100 tonnes de produits instables et dangereux, et pour montrer leur détermination ont versé en guise d’apéro 5000 litres d’acides sulfuriques dans un confluent de la Meuse. Résultat efficace, leur lutte fut victorieuse et les gars s’en sont sortie avec des indemnités de 12000 euros par personne. En 2001, les ouvriers de chez Moulinex dans le Calvados menacent de faire péter leur usine, s’ils ne réussissent pas à garder leur emploi, évoquer l’action directe leur permet d’en sortir la tête haute. En 2003 et en 2008, dans le Haut Rhin ou à Boulogne sur mer des ouvriers usent des mêmes méthodes radicales. En 2009 les ouvriers de chez New Fabris d’où sortent des pièces détachées de bagnoles utilisent des bobonnes de gaz comme moyen de pression. Christian Estrosi finira par les recevoir avant qu’il fasse péter leur usine. Et ainsi de suite jusqu’à GM&S, jusqu’à cette inscription au beau milieu de l’usine et de la rencontre du vieux punk avec les ouvriers bien décidé à tout faire péter.

On va tout péter Gilet Jaune


Autant vous le dire tout de suite, Kech Kowalski malgré son age conserve une belle énergie et un tempérament de feu. On est pas chez Ken Loach, Kowalski ne cherchant pas à appliquer une quelconque théorie politique rétrograde et bourgeoise sur un combat ouvrier, il est avec les ouvriers et rentre en guerre contre l’autorité. C’est ce qu’il y a de plus réjouissant dans ce documentaire enragé, l’engagement sans limite du réalisateur avec la lutte des ouvriers qui finira par l’envoyer en garde à vue.

Mais avant d’arriver à cette extrémité, Kowalski va s’immiscer tout doucement dans la vie de l’usine, au sein de la lutte. Récolter le témoignage d’ouvriers qui tentent de continuer à vivre alors même que des décisions d’actionnaires sont en train de détruire leur condition sociale, leur raison de vivre. Il filme également ce moment très particulier de l’arrivée des politiques, cherchant la belle image médiatique, dans ce giron ouvrier. On retiendra par exemple ce journaliste au plus près du candidat Emmanuel Macron (dont on connaît la haine pour ceux « qui ne sont rien ») très content d’avoir vendu le futur président. L’existence de On va tout péter, dessine en creux un portrait peu reluisant du journalisme politique devenu VRP des politiques et des patrons. Il en va ainsi d’un autre attroupement où la nuée de caméras et de micros sont tendus à un vieil homme se présentant comme le futur patron idéal. Son discours « utopique » est tellement hors sol qu’on se demande pourquoi autant de journalistes lui tendent l’oreille, au grand désespoir des ouvriers qui lui demanderont de partir pour ne pas lui fracasser le crâne. L’importance d’avoir un sujet pour remplir les colonnes d’une journal, quelques minutes de radio ou de télé poussent certains médias à enregistrer tout et n’importe quoi, au risque de créer d’inutiles tensions.

On va tout péter Gilet Jaune

Comment traiter d’un sujet sans le trahir et ne pas se retrouver manipulé par les pouvoirs en place, c’est la question sous-jacente du documentaire de Lech Kowalski. Pour Kowalski, tout comme pour une nouvelle génération de média, ou de journalistes indépendants, la réponse est celle de pouvoir accorder du temps à son sujet. Seul moyen pour déconstruire les story telling des communicants qui aident grandement l’image des hommes politiques qui cherchent le pouvoir, où qui permettent aux grands patrons d’afficher une image d’hommes volontaristes mais qui doivent composer avec la grande méchante mondialisation responsable de tous les maux.

On va tout péter, de Kech Kowalski. Documentaire.

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