Le Chant Du Loup : clarté des fonds marins

Bien que Le Chant du Loup soit la première réalisation de Antonin Baudry, il n’est pas étranger au monde du cinéma. Le dernier – excellent – film de Bertrand Tavernier, Quai d’Orsay, est directement adapté de la bande dessiné qu’il avait imaginé avec Christophe Blain. Aussi crédité au scénario du film avec son collègue, il est désormais seul à la barre, proposant au public un thriller sous-marin au casting quatre étoiles et au langage technique pouvant donner la migraine à n’importe qui. Et la grande surprise (en est-ce une vraiment, au final ?), c’est que Le Chant du Loup est globalement brillant.

Ses trente premières minutes – autant dire les choses directement – sont irréprochables. Une opération clandestine en Syrie nous introduit à l’équipage du Titane, sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) chargé de récupérer des troupes au sol. C’est alors à l’Oreille d’Or (François Civil) qu’il incombe d’identifier les sons provenant de la surface ou des fonds marins à l’aide des ondes sonores. Chacun est très vite caractérisé par sa fonction, mais deviendront vite des hommes chargés d’une mission, prenant en compte chaque paramètre afin de remplir leur mission, quitte à prendre des risques inconsidérés. Les ordres sont les ordres, et si il convient du point de vue humain de prendre en compte la vie de son équipage, la mission doit être remplie. Est introduite alors la question la plus cruciale du film, et interne à chaque grand film de guerre : la confiance. Chaque erreur ou choix malhabile peut signifier la mort de tout l’équipage. Notion qui évoluera au fil du métrage, de la relation qu’entretient Chanteraide avec sa nouvelle amie, Diane, à celle que peuvent avoir D’Orsi (Omar Sy) et Grandchamp (Reda Kateb). Quels que soient les rangs, ils sont tous égaux dans la situation de crise qu’ils ont à affronter.

Si, on l’admet, le retournement de situation survenant à mi-chemin est purement cinématographique, ce qu’il en advient est bien tangible. Devant riposter face à une attaque contre le sol français, deux camps se retrouvent forcés de se faire face sous peine de guerre nucléaire mondiale. L’amiral alors chargé de la mission sauvetage (Matthieu Kassovitz) se retrouve à obéir à des ordres absurdes, inverses à ses valeurs et donnés par une haute autorité à l’abri de toutes retombées. Une « partie » de touché-coulé se jouant aux sons et menant irrémédiablement à la folie. En somme, on aime y voir une critique similaire à celle d’Andrew Niccol dans Good Kill, où d’anciens pilotes de chasse se retrouvaient déshumanisés, servant simplement à piloter des drones derrière un écran. Le point de vue d’hommes et femmes s’engageant pour une cause qui s’avérera, presque toujours, maltraitée. Antonin Baudry comprend parfaitement les tenants et les aboutissants de la vie de ces sous-mariniers, de ce qu’il incombe de passer dix semaines consécutives sans voir la surface, tiraillé par la peur de voir un jour arriver un message crypté lourd de conséquences.

La précision de la mise en scène et la clarté du son, et surtout sa capacité à parler avec peu d’éléments de langage autres que ceux des sous-mariniers, est stupéfiante. Si on peut lui reprocher quelques faiblesses dans le jeu de François Civil, et le personnage de Diane (dont l’apparition finale est tout de même magnifique), on félicite le cinéaste d’oser un tel projet en France, surtout quand il parvient autant à critiquer qu’à mettre en valeur les hommes au sein du corps armé. Loin du film militariste dont certaines personnes parlent, le public semble répondre à l’appel, n’en déplaise à ceux qui s’étonnent que leur avis affûté ne vaut pas comme parole d’évangile.

Le Chant du Loup de Antonin Baudry, avec François Civil, Omar Sy, Reda Kateb, Matthieu Kassovitz… En salles le 20 février 2019.

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