La Rue de la Joie, premiers émois [Le FFF 2018]

La rue de la joie, Cinématraque,

Pour sa cinquième édition, le Festival du Film de Fesses avait décidé de mettre l’accent, ou le téton, sur le Japon. Le mot d’ordre était simple : « montre tes nippons » ! Eiichi Yamamoto, Sion Sono et Masayuki Suo allaient évidemment être de la partie. Cependant, c’est bien Tatsumi Kumashiro qui ouvra le festival avec La Rue de la Joie (1974). Rue de la joie, une œuvre parmi les nombreuses que la programmation du FFF nous permet d’apprécier dans la filmographie de Kumashiro.

des liens avec La rue de la Honte de Kenji Mizoguchi

En 1971, le président de Nikkatsu, Takashi Itamochi voyant son entreprise faire des résultats financiers décevants, décide d’arrêter la production de films d’action (ou d’autres genres) pour se consacrer au marché de la « sexploitation ». Coup de maître puisque cette exploitation singulière connue sous le nom de « roman porno » attire les foules autant qu’elle séduit la critique. Apartment Wife : Affair in the Afternoon de Shogoro Nishimura (1971) est sans doute le film qui marqua le plus le mouvement. Il initiera une vingtaine de suites fonctionnant selon les mêmes schémas et articulations. Il faudra atteindre l’avènement du porno consommable individuellement et chez soi dans le milieu des années 1980 (avec la vidéo) pour que le roman porno disparaisse progressivement des écrans nippons.

Avec La Rue de la Joie, le Festival du Film de Fesses nous présente une œuvre majeure bien que méconnue du maître du roman porno : Tatsumi Kumashiro. Une œuvre dont les liens avec La rue de la Honte de Kenji Mizoguchi (1956) sont indubitables. Pourtant, le maître du roman porno arrive à dépasser le cadre de la morale pour offrir un film tout à fait singulier dans ce quartier populaire tokyoïte (Tamanoi) animé par les maisons closes. Des maisons closes que l’État japonais s’apprêtait à fermer définitivement. Mais, dans les années 1950, période à laquelle le film se déroule, la question de l’abrogation de ces lieux du plaisir n’est pas à l’ordre du jour. Au contraire, les ouvriers et les individus des quartiers populaires profitent de leurs rares moments de repos pour s’adonner aux joies de la chair. Du côté des cinq prostitués que Kumashiro décide de suivre, les aspirations sont différentes, l’argent, les difficultés personnelles ou encore le record établit par Shigeko sont au centre des discussions. Pourtant demeure un élément fondamental : leurs choix. Ces femmes sont libres, décideuses et assument leur(s) sexualité(s) !

La Rue de la joie, Cinématraque

Par son cadrage, ses choix de mise en scène, ses interludes, Kumashiro présente une vision profondément intéressante du sexe consommable. Point de volonté de l’abolir ou de le punir, une exposition pure et simple que ce soit à travers plans fixes comme des mouvements de caméra, des gros plans ou des plans plus larges. L’auteur japonais arrive à piocher des tranches de vie, à présenter un sexe désintéressé de toute sexualisation intempestive. Le pornographique se dérobe à l’érotisme !

Il n’y a aucune joie sans sa part de douleurs, à travers ce portrait de cinq femmes, Tatsumi Kumashiro semble nous le rappeler à chaque instant : par-delà bien et mal !

La Rue de la Joie de Tatsumi Kumashiro, avec Junko Miyashita, Meika Seri, Naomi Oka, Aoi Nakajima et Keizo Kanie. 1h10. Sortie le 9 juin 1976.

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