We Are X : Frustration Classée

We Are X, c’est un petit documentaire relativement inoffensif, et qui ne vous veut aucun mal. Il est pétri de bons sentiments, et ne mérite peut-être pas qu’on lui tape dessus. Malheureusement pour lui, le monde est très largement injuste (je rappelle à ceux qui en doutent encore que Les Tuche 3 est en préparation). We Are X, c’est un petit portrait de la vie compliquée d’un groupe de musique nippon nommé X Japan… Que probablement peu d’entre vous connaisse. Pas la peine de crâner si vous connaissiez le groupe, ça fait tout simplement de vous un gros nerd. (Source : je suis un gros nerd).

Coucou.

X Japan, ce sont les pionniers du visual kei, de toute la culture hard rock et métal mélodique au Japon. A une époque, on les plaçait au même niveau que Rush ou Mastodon dans les tops des meilleurs groupes de métal progressif ! Malgré cela, il est clair que cela ne parle pas à tout le monde : la musique progressive a toujours été vue comme un truc de ringard, et ce tout particulièrement en France. Si on rajoute par dessus la dimension musicale celle des visuels (costumes, maquillages…), qui paraît être à nos yeux d’occidentaux le nirvana du mauvais goût du kitsch, on ne risque vraiment pas d’attirer le public dans les salles.

Et c’est malheureusement la première erreur de ce documentaire de 90 petites minutes : pour les non familiers à l’œuvre de X Japan, il demeure franchement hermétique. L’histoire commence lors de la préparation du premier concert de X Japan au Madison Square Garden en 2014. C’est l’occasion de revenir sur la carrière du groupe dans les années 80 et 90… Mais de manière très confuse. Tout est brouillon, ça part vraiment dans tous les sens. Un peu comme leur musique en fait ! Le résultat, c’est qu’il est difficile de suivre le tout sans avoir des connaissances préalables.

ça ressemble un peu à ce type en soirée qui veut te raconter sa précédente cuite

Pourtant, le potentiel est littéralement gigantesque. Réaliser un documentaire sur X Japan, même sans la moindre prétention artistique, c’est-à-dire en ayant le seul but de documenter la carrière folle du groupe, ce n’est pas quelque chose qu’il faut prendre à la légère. Il y a une histoire à raconter !

Yoshiki, leader de X Japan, en pleine répétition au Madison Square Garden.

Enfin. Non. Pour être plus juste, il faudrait préciser qu’il y a plusieurs histoires à raconter, et c’est la deuxième erreur de We Are X. Quatre vingt dix minutes, c’est franchement court. Pas toujours ; coincé dans un ascenseur avec rien d’autre que l’édition hiver de Limousin magazine, c’est long. Mais pour raconter toute la folie qui entoure la bande à Yoshiki et Toshi, c’est bien trop peu. Il faut choisir un angle d’approche, parce qu’à force de vouloir toucher à tout, on s’éparpille. Et on ne touche plus à rien. Le documentaire de Stephen Kijak ressemble un peu à ce type en soirée qui veut te raconter sa précédente cuite, commence vingt cinq phrases différentes et n’en finit aucune avant de vomir sur tes chaussures neuves. En anglais, on a un verbe pour ça : half-ass. Littéralement demi-cul. On peut dire We are X demi-cule son sujet.

Ce qui est vraiment dommage, c’est qu’en effleurant son sujet sur toutes les coutures, We Are X en vient à minimiser l’émotion de ce qu’il raconte. Il faut par exemple savoir que deux des membres du groupe se sont suicidés. Et l’influence des musiciens étaient telle que certaines fans ont elles aussi pensé à la mort après ces tragédies. Certaines passant même à l’acte. Le documentaire ne laisse pas le temps au poids gigantesque de ces événements s’installer, parce qu’il a trop à dire.

après un dernier concert catastrophique

Les sujets de We Are X sont pourtant tous fascinants. Le premier, c’est l’influence de X Japan sur la culture japonaise. Il y a ici beaucoup à dire sur le rapport à l’esthétique, et ce notamment dans le fossé qui existe entre notre vision du kitsch et la leur. Sur une vision décomplexée de ce que peut être la musique métal, qui finalement s’est retrouvée totalement pillée par l’esthétique pop façon Lady Gaga, Katy Perry et compagnie. Le deuxième, ce sont les problèmes de santé de Yoshiki, qui eux sont tout de même très présents dans le film. On parle d’un batteur terriblement asthmatique, qui finissait ses concerts à l’article de la mort. Mais on peut aussi parler du chanteur du groupe Toshi, qui s’est fait enrôlé dans une secte, ce qui a largement contribué à la fin du groupe en 1997, après un dernier concert catastrophique dont les images même sans contexte sont frappantes. Et merde, même les moments de musique sont largement massacrés ! Dans ce style de musique, les envolées virtuoses sont au cœur de tout. Pourtant, le documentaire ne laisse pas aux morceaux le temps de respirer en dehors de fragments de quelques secondes ici et là. On ne peut pas dompter le métal progressif ainsi…

Ci-dessus : du métal prog indomptable.

Il paraît, selon Joseph Campbell et d’autres gens que je n’ai pas lu, que l’être humain adore les histoires. Les héros, leurs gloires, leurs échecs. Le parcours rocambolesque de X Japan a tout ce qu’il faut pour fasciner un très large public ; il est donc dommage que ce documentaire ne s’adresse qu’aux fans en leur racontant des choses que la plupart savent déjà. Il restera tout de même un message très positif sur le pouvoir de la musique, et un portrait très réaliste de la douleur qui accompagne ce genre de vie hors norme… Mais ça n’est pas suffisant.

 

We Are X, de Stephen Kijak. Sortie le 6 décembre 2017.

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