Battle of the Sexes : Film Pot de Glace

Battle of the Sexes marque le grand retour au cinéma du duo Valerie Faris et Jonathan Dayton, qui n’avait rien offert au grand écran depuis leur génial Little Miss Sunshine. Certain.es voudront vous faire croire qu’entre temps, ils ont aussi réalisé le film Ruby Sparks, mais c’est une erreur. Ce film n’a jamais existé, et n’essayez pas de me convaincre du contraire.

Le mérite principal de ce nouveau film, qui met en vedette Emma Stone et Steve Carell, est de rappeler à tous un événement télévisuel capital ! Dont personne aujourd’hui ne se souvient réellement. C’était en 1973 ; l’ex joueur de tennis Bobby Riggs, autoproclamé « porc chauvin » a défié la meilleure joueuse de tennis américaine, Billy Jean King. L’occasion pour les médias d’en faire tout un cirque… Médiatique, y a pas d’autre mot, en plaçant cet événement comme essentiel dans la question de l’égalité des genres. Mouais. Pourquoi pas.

La La Land vs Lard Lard Land

Et si je dis mérite principal, c’est bien parce qu’à première vue, Battle of the Sexes n’est pas, pour parler en termes techniques, franchement ouf. Mais si on ajuste ses lunettes, essuie les verres, plisse les yeux et penche un peu la tête vers la gauche, on peut y voir deux trois trucs qui méritent une petite réflexion, sans nécessairement pousser mémé dans les orties.

Le film est très largement pensé comme une dichotomie : c’est d’abord celle qui oppose Bobby Riggs et Billy Jean. Le premier est présenté comme un showman, qui joue sans cesse de sa misogynie comme d’un argument de vente. Tant et si bien que dans les moments les plus grotesques, on croirait voir le légendaire Andy Kaufman (que l’on connaît tous grâce à Jim Carrey et Miloš Forman) à l’oeuvre. La seconde et véritable vedette du film, tant par le scénario que par la performance d’Emma « toujours époustouflante » Stone, est une femme relativement fermée. Pour elle ce qui compte, c’est le tennis, et rien d’autre. Enfin. Pas tout à fait. Très vite elle se tape sa coiffeuse, mais on y reviendra promis.

Les cheveux des années 70, toute une branche d’étude en sociologie probablement.

Tout est fait pour les opposer à la ville comme à la scène, ce qui nous amène à une autre dichotomie, et c’est la plus intéressante : les sphères du public et du privé.  Car même si Bobby Riggs joue le macho dominateur devant les caméras, s’il prend plaisir à se montrer supérieur aux femmes (il ne l’est, soyons clairs, en rien), il n’en est rien dans sa sphère privée. Rongé par la passion du jeu, il est sans cesse en situation de dominé face à sa femme. Ainsi son personnage est donc scindé en deux ; entre une personnalité publique, un clown, et une personne véritable pour laquelle les réalisateurs.rices expriment même (trop souvent ?) de la sympathie.

A l’inverse, Billy Jean King est un modèle de travail acharné et de dévouement tant dans sa vie privée que dans l’image qu’elle projette ; ce qui fait immédiatement d’elle l’héroïne du film. Cela a longtemps été la vision de l’américain (au masculin, oui) parfait : celui qui savait se tenir à la fois chez lui comme en dehors. Et pourtant, elle aussi a une vie privée complexe durant le film… Oui, je vous avais promis qu’on y reviendrait ! Le B plot du film raconte les débuts de la première relation de Billy Jean King avec une femme. A l’époque, elle était mariée avec un homme. Plus tard, elle deviendra une ambassadrice modèle pour les mouvements LGBTQ, ce qui est en partie abordé dans le film, mais pas non plus ultra présent.

Représentation de moi, homme blanc cis, donnant mon avis sur un film qui parle de féminisme.

Alors oui, autant vous le dire, si vous êtes là pour le tennis, vous pouvez 1. Arrêter de lire ici et 2. Ne pas voir le film. Les amateurs de films de sport seront franchement déçus, parce qu’en dehors des quinze dernières minutes qui ont de quoi rassasier votre soif de coups droits, revers et montées au filet, il paraît évident que ni Valerie Faris ni Jonathan Dayton n’en ont quoi que ce soit à foutre de ce sport. Le cinéma n’est pas sur le terrain, il est dans la chambre d’hôtel.

C’est le dévoilement de cette vie privée qui permet enfin d’assister à une forme de cinéma. Déjà parce qu’il ne s’agit pas d’un dévoilement ; le terme est bien trop violent. Non, justement, c’est une approche fondamentalement tendre qui envahit l’écran à chaque fois que se croisent Billy Jean King et la coiffeuse Marylin Barnett. Très légèrement, le monde extérieur disparaît. Plus rien dans le champ et le contrechamp que les visages, les mains. Quand Marylin et Billy sont ensembles, les lieux disparaissent, il ne reste qu’elles, et enfin, on ressent quelque chose.

L’amour, le vrai, merde.

En dehors de ces moments, le film tombe malheureusement dans des travers qu’il espérait pourtant dénoncer, ce qui a été très justement remarqué par un intervenant lors de l’entretien avec Valerie Faris et Jonathan Dayton après la projection : le danger d’un tel film, qui vise à défendre la cause des droits des femmes, c’est de la trivialiser par son approche. C’est pourtant précisément ce qui est reproché à l’événement télévisuel de 1973 : dans leur mise en scène, les réalisateurs.rices ont choisi de retranscrire cette partie « comme à la télévision ». Dans les scènes d’intimité, on peut sentir la peau des personnages. Durant le fameux match, nous sommes devant un écran et avec tout ce qui l’accompagne. Les commentaires sportifs navrants, les comportements sexistes alarmants (mention spéciale au journaliste qui TIENT UNE JOUEUSE DE TENNIS PAR L’EPAULE TOUT LE TEMPS JE VEUX LE BAFFER), les réactions du public américain, des hommes, des femmes, bref !

L’idée est simple, et fonctionne quelque peu : l’idée était de montrer qu’avec cet événement télévisuel, le pays a fait de la lutte pour les droits une femme une véritable farce. Soudainement, tout était réduit à un vulgaire match de tennis entre un quinquagénaire moisi et une jeune femme en colère… Il y a de quoi avoir la gerbe. Et c’est là que le film aurait pu frapper fort. Au contraire, il est bien trop mécanique, pas assez inspiré pour dépasser le simple constat.

On est pas loin d’une photo d’époque avec ça. Représenter sans commenter, est-ce une forme de commentaire ?

Il n’empêche que le film en reste terriblement plaisant : tous les hommes ou presque du film sont monumentalement détestables, et voir ainsi Emma Stone massacrer la tronche de Steve Carell sur le terrain a quelque chose de jouissif pour toutes les féministes et leurs alliés. D’autant plus qu’il a fallu des efforts de tous les côtés rien que pour réussir à financer le film : les deux stars ont accepté un salaire dérisoire comparé à ce qu’ielles peuvent gagner d’habitude. Et bien évidemment, ont été payés la même somme l’un comme l’autre.

Il faut donc voir ce film comme un gros pot de glace que l’on engloutit pour se faire du bien. De la comfort food, en somme. D’ailleurs, on apprend lors de la projection que le film a été bien reçu lors des fameuses projections test une première fois, avant les élections. La deuxième fois, après l’élection de Drumpf, le score était bien plus haut ! Le film n’avait pas changé, mais il a bien montré que les spectateurs en avaient besoin à ce moment précis.

Ce qui me permet de vous laisser sur une question. Ce genre de film, qui ne fait que brosser dans le sens du poil, est-il nécessairement inutile, ou bien faut-il reconnaître que franchement, parfois, ça fait du bien ?

Battle of the Sexes, un film de Valerie Faris et Jonathan Dayton, avec Emma Stone, Steve Carell, Sarah Silverman. En salles le 22 novembre.

P.S : je n’avais nulle part d’intelligent pour placer ça dans la réflexion, mais je tenais à préciser que la performance de Sarah Silverman en manager des joueuses de tennis dans ce film est DE-LI-CIEUSE. Les fans apprécieront.

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