Blade Runner 2049 : la mémoire rame

Progressivement, Denis Villeneuve gagne en estime publique et critique et devient l’un des noms majeurs du moment. L’annonce de Blade Runner 2049, suite du chef d’œuvre atemporel de Ridley Scott a donc généralement été reçue avec un mélange d’impatience et d’appréhension.

L’univers de Blade Runner, inspiré de K. Dick, avait laissé suffisamment de mystères en suspens pour  imaginer un opus supplémentaire. Cependant, la mission était évidemment plus que difficile pour Villeneuve attendu au tournant tant Blade Runner s’est imposé comme un film culte. (le meilleur film de SF de l’histoire du cinéma selon certains, dont l’auteur de ces lignes connu pour son goût sûr).

Nous revoilà donc repartis dans une enquête impliquant Réplicants et voitures volantes. Villeneuve réussit le pari de réaliser un film ambitieux, beau, qui respecte les personnages et l’univers de son aîné tout en ouvrant de nouvelles pistes tant scénaristiques que philosophiques. Du long de ses 2h40, Denis Villeneuve installe progressivement son intrigue. Les scènes de contemplation s’enchaînent avec les rebondissements. Tout est parfaitement calibré pour produire un spectacle de qualité auquel on prédit quelques oscars.

 

Las, tous ces ingrédients pourtant si bien préparés n’arrivent jamais à produire un dixième de la puissance du premier Blade Runner. Si Villeneuve est très bon élève, il lui manque (pour l’instant?) la folie et la poésie qui font du film de Ridley Scott un monument du cinéma. Cela est notamment dû à une intrigue omniprésente. L’ambiance et l’atmosphère laissent souvent la place à des dialogues explicatifs sans grand intérêt tant les intrications du scénario sont simplistes.

rien n’est laissé dans l’ombre ou dans le mystère, tout est dit et montré

Le Blade Runner original avait l’audace de proposer un récit sans réel méchants ni gentils. Deckard n’a d’ailleurs au final que peu d’incidence sur les actions de ceux contre qui il se bat. Tous les personnages cherchaient un sens à leurs actions sans véritable espoir de réussite. Le film laissait une bonne partie de l’univers dans le flou et l’ambiguïté, faisant confiance à l’intelligence du spectateur. Blade Runner 2049 décide quant à lui de rayer le mot subtilité de son dictionnaire. Chaque scène a un sens précis pour faire avancer l’intrigue, rien n’est laissé dans l’ombre ou dans le mystère, tout est dit et montré. Que dire ainsi du personnage interprété par Jared Leto, tout droit sorti des pires comics des années 90 dans le style méchant-vraiment-méchant-qui-monologue-en-marchant-dans-son-palais. Un plan de lui de dos, assis dans son fauteuil, regardant ses écrans de surveillance en caressant son chat de la main droite ne m’aurait pas surpris.

Les thématiques abordées par Villeneuve sont pourtant passionnantes. De la quête identitaire à l’héritage biologique en passant par la mortalité et la mémoire, le film tente beaucoup et réussit parfois à nous interroger. Cependant, à force de vouloir dérouler son scénario il survole tous ces sujets. La relation de K avec l’hologramme, interprété par Ana de Armas, est peut-être l’intrigue la plus réussie du film mais Her de Spike Jonze a déjà traité avec maestria ce sujet et Blade Runner 2049 n’en semble qu’un écho moins intelligent.

On se retrouve donc un film à l’image de ses Réplicants. Persuadé d’être l’héritier du film original, Blade Runner 2049 n’est qu’un très beau robot sans âme auquel on a greffé quelques implants de mémoire issus du premier volet. Le film, trop long pour le peu qu’il propose, reste agréable mais ne joue clairement pas dans la même catégorie que son illustre prédécesseur.

 

Blade Runner 2049  de Denis Villeneuve  avec Ana de Armas, Harrison Ford, Ryan Gosling et Méchant Jared Leto, 2h43

 

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