Mon problème majeur avec la canicule, c’est qu’au lieu d’en tirer profit (acheter une maison en viager), je la vis systématiquement de la plus mauvaise des manières : je trouve refuge dans des endroits où il fait frais.
Et une fois que tu as visité cinq fois la cathédrale de Rouen, il ne reste guère plus que la salle de cinéma pour passer un bon moment.
Seulement voilà, au retour d’un Cannes où je me suis mangé plein de films chiants quoique beaux quoique chiants quoique beaux, j’ai mon rejet annuel du mois de juin pour le cinéma intello. Et juin, c’est le mois des bouses. Et si la canicule m’amena il y a deux ans à voir Les Profs 2, elle me porta cette année dans la salle de La Momie.
Parce que j’aime bien les momies. J’ai un souvenir assez fun du film avec Brendan Fraser, qui lorsque j’étais gamin, m’avait fichu la trouille. Naturellement, je me suis dit que des petits frissons ne seraient pas de trop par ces 65° extérieurs. Alors c’est tout suant dans le hall pas climatisé du cinéma que j’ai demandé, en soufflant, en bavant, les yeux cernés les joues brillantes, une place pour La Momie. Le guichetier yeux cernés joues brillantes m’a regardé avec pitié, tendu la place, et souhaité un bon film sans trop y croire. Dans ses mots, c’était une bonne clim, qu’il me souhaitait en réalité. Il savait.
Devant la porte de la salle, je jubile. Je prends mon temps pour l’ouvrir, et là ça a fait comme dans les pubs, genre avec un yéti et un ours polaire qui sont venus me chercher. J’ai chopé 4 otites rien qu’en ouvrant la porte, mais j’ai adoré ça. La salle était vide, j’étais seul. Je me suis assis dans mon siège, et j’ai souri. Avec les oreilles qui sonnaient. J’ai poussé un petit gémissement, un petit « ah » en m’asseyant sur mon siège moelleux et tout frais. Et les lumières se sont éteintes. J’ai commencé à tousser, avec la gorge qui chatouille. C’était cool.
Lorsque le film a commencé, je me suis rappelé qu’il s’agissait d’un potentiel nanar, mais avec Tom Cruise, donc la promesse d’une interprétation méta rigolote du film. J’aime bien voir les films avec Tom Cruise comme des films sur la vie de Tom Cruise. Et sur ce point, La Momie se défend un petit peu. En gros, c’est l’histoire d’un mec qui découvre un truc, le cinéma, et ce truc l’ensorcelle pour finir par le rendre immortel.
Bon, passé l’amusement d’intellectualiser le film neuneu qui se passe devant mes yeux bien frais, je rame à rentrer dedans. Tout est assez moche, vraiment con, et la VF (ben ouais, j’habite Rouen les mecs, je vais au cinéma dans des multiplex où on te propose des formules 1 FILM + UNE PARTIE DE BOWLING – pas climatisé, le bowling, ndlr – = 12 EUROS) franchement hideuse (à un moment, Tom Cruise est face à la momie, et sa meuf lui hurle « Allez, casse-lui la gueule ! » ; pas certain qu’en Anglais ça ne rende pas mieux). Il y a des scènes de cul façon clip pop des années 90, des combats aussi palpitants que moi et mon éponge face à un peu de graillon dans ma poêle, et Tom Cruise complètement mollasson, manifestement pas très sûr du truc dans lequel il est en train de jouer (qui le serait ? Hormis Ben Affleck je veux dire).
L’histoire, c’est donc celle d’un binôme de petits malfrats de l’armée qui trouve par hasard une ancienne prison égyptienne enfouie en Mésopotamie (Mésopotamie restant l’endroit de la carte du monde au nom le plus rigolo à l’oreille. Tu m’annoncerais une bombe nucléaire en Mésopotamie, je rirais bêtement). Ils réveillent l’emprisonnée, et évidemment, c’est une casse-couilles, qui jette des sorts et fais des bisous aux gens pour prendre leur force et en faire ses esclaves. Elle doit retrouver un poignard avec un diamant pour tuer un mec, mais j’ai pas trop compris pourquoi. Mais ça a l’air important, parce qu’il y a plein de plans d’insert. Mais je ne suis pas très intelligent devant les films cons, et je confonds vite un peu tous les personnages.
En tout cas, ce dont je suis sûr, c’est que Tom Cruise et plutôt GENTIL et la momie plutôt MECHANTE. Le personnage plus nuancé, un peu gentil un peu méchant, a un nom facile à retenir, puisqu’il s’appelle Jekyll lorsqu’il est gentil, et Hyde lorsqu’il est méchant. Si, je vous jure que c’est vrai. Et c’est le mec de Gladiator qui joue son rôle.
Passée la première demi-heure, où je me dis que c’est nase parce qu’on veut me mettre en condition pour le moment où ça sera fun, le tout commence à devenir longuet. Parce qu’en plus, je me suis habitué au froid, et oublié le privilège que c’était d’être dans cette salle tandis que dehors, le monde était en train de fondre. Dès que l’envie de sortir de la salle m’apparaissait, malgré tout, je me mettais à la place d’un type dehors, pour garder l’envie de voir la fin du nanar. Un type en panne sur une aire d’autoroute, par exemple. Ou bien un mec en costard sur le quai d’un RER supprimé.
Ce qui est sûr, c’est qu’imaginer ces gens souffrir dehors, c’était 100 fois plus fort que de regarder ce pauvre Tom Cruise tenter de casser la gueule d’une meuf enroulée dans du PQ. Mais ce qui devait arriver arriva : les lumières se sont rallumées. J’ai bien songé à me cacher sous mon siège, mais je me suis dit qu’étant seul dans la salle, ils allaient forcément me trouver, ces bâtards. Alors j’ai regardé le générique de fin. C’est fou le nombre de types qui sont payés pour tourner de telles conneries. Les films intellos, t’as des génériques de 28 secondes, qui déroulent au ralenti, et dont 25 secondes concernent les remerciements. Là, t’as environ 14 chansons qui passent sur un texte qui défile en accéléré et qui ne s’arrête pas. Ces gens-là, putain, hier, je les bénissais. Ils m’offraient mon sursis parmi les ours polaires.
Devant la porte de sortie, enrhumé, je prends une émue dernière respiration. Et en poussant la porte, je me vois dans le désert mésopotamien, avec Tom Cruise. Le sable chaud nique mes pieds, chaque centimètre de ma peau produit sa goutte de sueur. Je retourne devant le cinéma, voir quelle séance commence dans les minutes qui viennent. La Momie. Juste La Momie. L’enfer, c’était hier.
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