Star Trek Sans Limites : Comment sauver l’été

Il faut se l’avouer, les étés blockbuster sont franchement moroses par les temps qui sprintent. En dehors de quelques bonnes surprises inattendues (comme American Nightmare 3 cette année, ou The Wave, film catastrophe norvégien très formaliste mais efficace), le cinéphile adepte du menu baston grosses explosions et percussions n’a pas grand-chose de comestible à se mettre sous la dent. Et c’est précisément la raison pour laquelle les fans de Star Trek peuvent se réjouir : le nouvel opus de la saga (re) lancée par J.J. Abrams en 2009 est tout simplement le seul véritablement bon blockbuster de l’été. Faîtes péter les pyjamas jaune rouge et bleus les copains, c’est parti pour une nouvelle aventure pleine de fun avec nos amis Kirk, Spock et McCoy !

Je rembobine : après deux films au succès critique indéniable et aux performances commerciales respectables, J.J. Abrams et sa boite de production Bad Robot annonce un troisième film. Manque de pot, le réalisateur se laisse séduire par Kathleen Kennedy et décide d’aller tourner le nouveau Star Wars à la place, faisant de lui une sorte de Star ultime. Roberto Orci est d’abord pressenti pour reprendre la barre, mais c’est facilement Justin Lin qui est nommé capitaine de l’Enterprise. Lin est trop connu pour avoir réalisé trois films de Fast and Furious, pas assez pour son travail sur Community et True Detective. Par ailleurs, J.J. Abrams reste producteur et donc très présent et impliqué comme il en a l’habitude, et la Paramount demande à Simon Pegg, interprète de Scotty et co-auteur de la trilogie Cornetto d’Edgar Wright, d’écrire le script.

Sans Limites est, à peu de choses près, exactement ce que l’on attend d’un bon blockbuster

Retour au présent : l’action de Star Trek Sans Limites se déroule plus ou moins trois ans après la fin d’Into Darkness. Nous sommes en plein milieu de la mission d’exploration, très loin de la Terre (enfin ! Dirons les fans), et tout l’équipage est très fatigué. Après une escale sur la station de Yorktown, petite merveille cosmopolite qu’on aimerait tous habiter, l’Enterprise est attaquée par un essaim de petits robots dirigés par le méchant Krall ; le vaisseau s’écrase sur une planète inhabitée, et les membres de l’équipage se retrouvent séparés. Somme toute, on a affaire à une sorte d’épisode de la série, version supersized.

Sans Limites est, à peu de choses près, exactement ce que l’on attend d’un bon blockbuster : un film fun, prenant, pas stupide et avec un minimum de fond. La réflexion qui anime le film est double : à l’échelle personnelle, on est en pleine crise identitaire pour Kirk et Spock qui ne sont plus entièrement convaincus de leurs places au sein de Starfleet. À l’échelle au-dessus, nous sommes plongés par le méchant du film en plein cœur d’un questionnement sur la nature pacifiste de Starfleet, nature potentiellement hypocrite au vu de son poids militaire.

L’atout majeur reste cependant le même que lors des deux films précédents : les personnages et leurs interactions. Le scénario permet ici des groupes inattendus  (Kirk avec Chekov, Spock avec McCoy, Uhura et Sulu, Scotty avec la nouvelle et mystérieuse extraterrestre Jaylah), ce qui ouvre des portes et évite à la saga de tomber dans le fan-service en restant dans des dynamiques habituelles. La complicité traverse l’écran et on a toujours autant l’impression de connaître tout ce beau monde ; on rit avec eux, et on pleure par moments. Car de l’émotion, il y en a ; ne serait-ce que parce que Justin Lin a décidé d’intégrer le décès de Leonard Nimoy dans l’histoire, avec une douceur et une décence exemplaire. Et puis bien sûr, difficile de ne pas avoir une pensée émue en voyant Anton Yelchin pour la dernière fois en Chekov, victime d’une terrible tragédie il y a quelques mois.

une oeuvre plus télévisuelle que cinématique

Je me permettrai toutefois d’être assez critique sur certains éléments du film, parce qu’après tout, vous êtes bien en train d’en lire une, de critique. Je disais plus haut que Sans Limites ressemble à un épisode de la série Star Trek, mais avec un gros budget, et ça n’est pas forcément à son avantage. C’est très clairement une décision entièrement assumée : Justin Lin est un grand fan de la série et a déclaré vouloir revenir aux sources. On remarque d’ailleurs qu’il en a profité pour modifier les uniformes de l’équipage. Ceci afin de les simplifier et les rapprocher de ceux de la série d’origine, et la coupe de cheveux de Chris Pine ressemble de plus en plus à celle de William Shatner. Mais le résultat, le voila : cela en fait une œuvre qui justement paraît plus télévisuelle que cinématique. Les deux volets précédents bénéficiaient d’une virtuosité sans pareille — c’est un peu la qualité la plus prégnante du cinéma de J.J. Abrams —, tout allait à une vitesse subliminique et ce sans jamais abandonner les personnages ou l’émotion. Ici… on manque quelque peu de dynamisme. Le méchant quant à lui n’a pas beaucoup de temps pour exister et est loin d’égaler la présence électrisante de Benedict Cumberbatch dans le précédent. C’est bien dommage, car cela pénalise également la réflexion sur le pacifisme supposé de Starfleet, qui est à peine esquissée.

Mais que ces quelques réserves ne vous trompent pas : Star Trek Sans Limites est bel et bien le blockbuster de cet été. Cohérent dans son scénario, touchant dans son émotion, divertissant dans son action et son humour, il a le mérite (et c’est triste de devoir le souligner) de ne pas prendre le spectateur pour un con et de lui en donner pour son argent. Et comme dans les volets précédents, il respecte la dimension progressiste de son univers. Il continue de donner des rôles féminins intéressants et actifs, en montrant un couple homosexuel à l’écran et en prônant l’adoption pour leurs semblables, et évite tous les travers du subplot romantique du personnage principal. Star Trek, franchement, merci d’être là. « Live long and prosper« .

STAR TREK SANS LIMITES de Justin Lin, avec Chris Pine, Zachary Quinto, Simon Pegg, Karl Urban, Anton Yelchin, Zoe Saldana et Sofia Boutella. 17 août 2016

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