Le mercredi 1er novembre 1995, des millions de personnes en France rataient en salles la sortie du pourtant génial Bad Boy Bubby. 20 ans plus tard, vous serez quelques millions supplémentaires. Quel dommage…
Au pinacle des films les plus fous que l’Australie ait produits (et Dieu sait combien le cinéma australien est taré), on trouve très probablement Bad Boy Bubby. Pour vous planter le décor, le réalisateur, Rolf de Heer, a mis 11 ans à mûrir le projet, s’entourant de la bagatelle de 32 chefs opérateurs pour le mettre sur pied. C’est un peu comme si tu prenais 32 mecs pour te couper les cheveux, en divisant ta tête en 32 parcelles égales. A chacun tu dis de ne pas regarder ce qu’a fait l’autre mais de laisser parler son imagination : je te jure qu’à la fin tu auras une coiffure folle. Là, c’est pareil. Un film fou.
Bad Boy Bubby raconte l’histoire de Bubby, séquestré depuis sa naissance par sa mère dans l’exigu appartement familial, ignorant tout du monde extérieur qu’il pense toxique. Le jour de ses 35 ans, il s’échappe. Et ce caprice sur le papier des 32 chefs opérateurs de prendre artistiquement tout son sens : à chaque scène sa découverte, sa lumière, son image. Tant pour Bubby que pour le spectateur.
Récompensé d’un Prix Spécial du jury à la Mostra de Venise 1993, le film devient un véritable objet de culte en Australie où il engrange plus de 800 000 dollars de recette et jouit d’une formidable aura. Comment expliquer donc que récompensé en festival et adulé de la sorte à quelques milliers de kilomètres le film soit toujours relativement inconnu en Europe ?
Peut-être est-ce dû au fait que Bad Boy Bubby ne soit jamais sorti aux Etats-Unis. La faute à la violence de son récit (inceste, meurtres et j’en passe), qui justifia au moment de la présentation aux distributeurs américains que ceux-ci réclament des coupes. Le film devint aux dires de son réalisateur bancal et le « taux de satisfaction » atteint en projection test se révéla insuffisant pour que Bad Boy Bubby obtienne un droit de sortie dans les salles.
Mais Bad Boy Bubby n’est pas seulement un objet sulfureux et provocateur. Purement humaniste, il décrit – dénonce – une société qui a une peur farouche de l’autre, de celui qui n’est pas pareil. C’est un sacré film punk, en somme !
En déambulant dans les rues violentes d’un monde qu’il découvre complètement, Bubby, vierge de tout a priori, découvre les connards, les gens cool, les profiteurs, les stressés, les artistes. Et par le prisme de son regard, l’on (re)prend conscience de la violence du monde qui le (nous) entoure, de la pression sociale, de l’agitation ambiante.
Vraiment, c’est juré, Bubby est un type qui gagnerait à être connu.
Bad Boy Bubby, de Rolf de Heer – Ressortie en salles le 11 novembre