Haramiste : Anatomie d’un rapport (sexuel)

En compétition lors du récent festival Côté Court de Pantin, Haramiste y a remporté un prix du jury amplement mérité. Modeste dans sa forme, ce court métrage développe un vrai sens du dialogue que les deux jeunes comédiennes se réapproprient avec un certain panache. Le réalisateur nous invite à un récit d’initiation classique : celui du moment délicat du premier rapport sexuel. Pour ce faire, le cinéaste a décidé de planter sa caméra dans une cité populaire et de prendre comme personnages principaux deux sœurs musulmanes, Rim et Yasmina, qu’il présente dès les premiers plans coiffés d’un voile. Loin de chercher l’humour facile et un peu beauf qui pourrait stigmatiser une population qui prend déjà bien cher, on voit Antoine Desrosières se placer plus du côté de Riad Sattouf. Le cinéaste préfère évoquer le cinéma décalé et bricolé de Luc Moullet.

Antoine Desrosières dé-voile les deux sœurs

Nous avons en tout cas ici affaire à une écriture sensible et humaniste. À l’instar de La vie secrète des jeunes, Desrosières ne fait que grossir les traits de discussions d’adolescentes concernant les flirts et le plaisir sexuel. D’autres se seraient contentés d’en rester à cette façon de représenter la femme musulmane, caractérisée par son fichu, et de jouer sur les interdits religieux. Tel n’est pas le choix du réalisateur. En nous faisant rentrer dans l’intimité des gamines, Antoine Desrosières dé-voile les deux sœurs et dresse le portrait de jeunes filles d’aujourd’hui utilisant par exemple Internet pour « pécho ». Il fait également preuve d’une certaine sensibilité quant à la façon de représenter les complexes rapports qui caractérisent la fraternité, où les petites brimades succèdent aux gestes de solidarité. On peut parfois reprocher aux courts métrages d’être une façon pour un cinéaste de s’exercer au long métrage, là où il s’agit de deux exercices audiovisuels bien différents. Haramiste se satisfait très bien de sa forme courte, exploitant au mieux son sujet et surtout l’énergie des deux jeunes actrices. Fait rare, pour un court métrage, Haramiste sort en salle. Entre nous, c’est une jolie petite friandise à ne pas louper avant d’aller voir Terminator Genisys, Victoria ou Love and Mercy.

Haramiste d’Antoine Desrosières avec Inas Chanti, Souad Arsane. Sortie le 1er juillet 2015. 40 minutes

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